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Comprendre le changement

Regard critique sur le Manifeste agile

Une proposition de prise de recul sur le Manifeste agile

image billet manifeste agile

Qu’est-ce que le Manifeste agile ?

Tout manager se doit de connaître le Manifeste agile (2001) et pourquoi pas de le mettre en pratique 😉

Les méthodes ou cadres méthodologiques agiles ont émergé pour pallier les inconvénients des méthodes de développement de projet dites « classiques » : effet tunnel et inadéquation entre besoins utilisateurs et réponses apportées. L’agile s’inpire des principes du Lean (cf. billets sur le Lean)

Alors, ce manifeste pour le développement Agile de logiciels, que nous invite t-il à faire ?

Valoriser :

  • Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils
  • Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive
  • La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle
  • L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.

Ces 4 piliers sont précisés au travers de 12 principes :

  1. Notre plus haute priorité est de satisfaire le client en livrant rapidement et régulièrement des fonctionnalités à grande valeur ajoutée.
  2. Accueillez positivement les changements de besoins, même tard dans le projet. Les processus Agiles exploitent le changement pour donner un avantage compétitif au client.
  3. Livrez fréquemment un logiciel opérationnel avec des cycles de quelques semaines à quelques mois et une préférence pour les plus courts.
  4. Les utilisateurs ou leurs représentants et les développeurs doivent travailler ensemble quotidiennement tout au long du projet.
  5. Réalisez les projets avec des personnes motivées. Fournissez-leur l’environnement et le soutien dont elles ont besoin et faites-leur confiance pour atteindre les objectifs fixés.
  6. La méthode la plus simple et la plus efficace pour transmettre de l’information à l’équipe de développement et à l’intérieur de celle-ci est le dialogue en face à face.
  7. Un logiciel opérationnel est la principale mesure d’avancement.
  8. Les processus Agiles encouragent un rythme de développement soutenable. Ensemble, les commanditaires, les développeurs et les utilisateurs devraient être capables de maintenir indéfiniment un rythme constant.
  9. Une attention continue à l’excellence technique et à une bonne conception renforce l’Agilité.
  10. La simplicité – c’est-à-dire l’art de minimiser la quantité de travail inutile – est essentielle.
  11. Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées.
  12. À intervalles réguliers, l’équipe réfléchit aux moyens de devenir plus efficace, puis règle et modifie son
    comportement en conséquence.

A prendre avec recul

Ce manifeste pensé dans le cadre du développement de logiciels a été repris dans la littérature sur le management comme une façon de faire à généraliser à toute activité. Il est donc important de se pencher un peu près sur ce manifeste.

Point essentiel concernant les 4 piliers : il ne s’agit pas d’oublier processus, documentation, suivi d’un plan ou approche contractuelle mais de privilégier les premiers éléments de chacun des piliers. Ainsi, privilégier un logiciel opérationnel à une documentation exhaustive ne veut pas dire qu’il faut supprimer toute documentation. De même, accepter avec bienveillance le changement ne veut pas dire qu’il faut bannir toute planification. Evident me direz-vous ? A voir…

Privilégier les individus et leurs interactions sur les processus et les outils : de prime abord, il semble extrêmement satisfaisant de privilégier l’humain sur l’outil. Oui mais…attention à ne pas verser dans des effets indésirables du type « La règle n’est pas la même pour tous » ou « Deux poids, deux mesures ». Tous les individus ne seraient ainsi pas égaux devant les processus et les outils, sachant que tous les individus sont égaux mais certains plus égaux que d’autres, pour paraphraser George Orwell.

Accueillir avec bienveillance le changement, même tardivement dans le projet : c’est un point qui peut être très difficile à mettre en oeuvre dans les faits. De plus, cet accueil bienveillant du changement tardif de la part de ceux qui ont à le mettre en oeuvre ne saurait être un prétexte à ne pas penser le changement et l’anticiper de la part de ceux qui le demandent (représentants des utilisateurs ou clients).

Réalisez des projets avec des personnes motivées : cette injonction me semble à la fois très ambitieuse et un peu vaine dans la mesure où les équipes projets sont le plus souvent composées en fonction des postes ou fonctions occupées par les personnes, de leurs compétences, voire de leur disponibilité mais pas en fonction de leur motivation. Vouloir constituer des équipes projets avec des personnes motivées relève d’une approche qui remet en cause l’organisation même de la structure (entreprise).

Rythme « soutenable » : je pense qu’il s’agit d’une traduction trop rapide de « sustainable ». Il s’agit d’un rythme de production viable, durable, réaliste par opposition à des objectifs de production irréalistes.

Simplicité – art de minimiser la quantité de travail inutile : on reconnaît bien là la chasse aux gaspi inspirée du Lean, pour autant la définition de « simplicité » semble fort maladroite.

Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées : une croyance, à ne pas présenter comme une vérité établie.

Et vous, quelles sont vos réactions au Manifeste agile ? N’hésitez pas à laisser vos commentaires !…

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Contribuer au changement

Lean management : tout un roman ! Le Gold Mine, un récit lean

Illustration pour lean management

 

Le Gold Mine

Sur les conseils de Marc Legru, Lean coach chez Operae Partners, j’ai lu le livre Le Gold Mine écrit par Freddy Ballé et Michael Ballé. Un roman – oui ! – sur le lean management. Un récit lean. Il semble être de bon ton aujourd’hui de critiquer le lean mais ce que j’entends de certaines pratiques, dérives ? du lean ne ressemble guère à ce qui est expliqué dans le livre Le Gold Mine.

Je ne reprends pas ici les principes du lean développés dans le livre mais m’autorise à une sélection de ce qui m’a le plus intéressé dans Le Gold Mine qui nous fait découvrir de façon très concrète le lean management, puisqu’il s’agit du récit d’une entreprise au bord du gouffre dont le responsable ne sait plus quoi faire pour redresser la situation et demande l’aide d’un retraité, grand praticien du lean, lui-même formé par des Japonais.

Ceux qui habiteraient sur une planète où le lean n’est jamais mentionné dans les conversations sur le monde du travail sont invités à lire mon billet SPOC Initiation au Lean Management.

Le lean est un voyage long et difficile

Adeptes du tout tout de suite s’abstenir. Même si la mise en place du lean permet des améliorations rapides, il ne s’inscrit pas dans le temps de l’instant, le temps court qui prédomine aujourd’hui mais dans une progression permanente, pas à pas appelée amélioration continue.

« Il y a de l’or entre les mains de ces gens »

Le regard posé sur le travail – dans le livre cité il s’agit du travail industriel – permet de retrouver le sens et la valeur produite par chaque geste, le plus « modeste » soit-il.

Elimination des sources de coûts

Les gains résultent de l’élimination des sources de coûts et non de la simple réduction des coûts, trop souvent appliquée à la hache et à la hâte.

Tout est une question de personne

« Ce n’est pas une question de carotte et de bâton, c’est une question d’appropriation. » « Il prend les gens au sérieux » déclare la jeune DRH de l’entreprise en parlant du praticien du lean qui vient aider l’entreprise pour la sortir de sa mauvaise passe. On est ici bien loin des critiques qui ont cours et vont jusqu’à associer lean et suicide. Le livre montre très bien le rôle clé des hommes dans la réussite de l’entreprise…et aussi ses difficultés !

Le lac et les rochers

Attention à ne pas laisser monter le niveau de l’eau (les stocks) car cela dissimule les rochers (inefficacités). Une jolie image japonaise utilisée en lean management pour nous rappeler que résoudre les problèmes demande de pouvoir les identifier correctement, puis de s’y attaquer avec une grande détermination. Les individus confrontés à n’importe quel problème ont tendance à s’arrêter à la première cause d’échec et à agir en conséquence, qu’elle soit ou non la cause racine.

Tiens au fait c’est peut-être ce que font ceux qui critiquent si aisément le lean non ? 😉

La globalité et la riche complexité du lean

« Les capacités peuvent être étendues à l’infini lorsque chacun commence à réfléchir. » Taiichi Ohno, le père du lean.

Je vous propose de terminer ce billet sur cette excellente nouvelle !

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Billets d'humeur

« Nos mythologies économiques »

Illustration de l'article Nos mythologies économiques

Parce que dans la vie il n’y a pas que le changement en entreprise, le billet de cette semaine est consacré au dernier ouvrage de l’économiste Eloi Laurent « Nos mythologies économiques« , aux éditions Les liens qui libèrent.

La démarche de l’auteur m’a paru très pertinente et m’incite à faire le parallèle avec toute approche de changement, qu’il s’agisse de sujets macro-économiques ou concernant l’entreprise dans son fonctionnement.

L’auteur de « Nos mythologies économiques » se fixe comme objectif de « redonner au lecteur le goût du questionnement économique dont la disparition progressive est lourde de menaces pour notre débat démocratique. » J’ai envie d’ajouter que redonner au citoyen, à l’individu, au salarié le goût du questionnement, quelque soit son champ d’application est rien moins que vital.

De la nécessité de mettre en question nos chers « story tellers »

Eloi Laurent passe en revue les « vérités » – qui n’en sont pas bien sûr ! – sur l’économie et qui relèvent en fait selon lui de 3 mythologies : la néolibérale, la social-xénophobe et l’écolo-sceptique. En voici quelques exemples, têtes de chapitres de l’ouvrage :

  • L’Etat doit être géré comme une entreprise
  • Une économie de marché dynamique repose sur une concurrence libre et non faussée
  • L’immigration engendre une charge sociale insoutenable
  • Les marchés et la croissance sont les véritables solutions à l’urgence écologique
  • L’écologie est l’ennemie de l’innovation et de l’emploi.

Selon Eloi Laurent « L’économie est une mythologie qui désenchante le monde : plus que jamais « lugubre », elle pollue le débat public de ses fausses certitudes et empoisonne l’esprit démocratique. »

Retrouvons le goût du questionnement. Peu importe son sujet. Retrouvons le goût du questionnement face aux « certitudes » dont on nous abreuve et qui nous apporte in fine désenchantement, difficulté à aborder la complexité, frein et peur face à l’inconnu et la créativité. Pensons hors du cadre.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Je considère comme très efficace la démarche de Lean management qui consiste à poser une série de Pourquoi ? pour analyser le problème rencontré. Je crois que l’on peut aussi appliquer cette approche aux certitudes. Prenons par exemple celle qui affirme de façon péremptoire : « L’Etat doit être géré comme une entreprise. » Et pourquoi donc ?

L’Etat a comme raison d’être, notamment, la stabilité du système social et ce dans une échelle du temps qui n’a rien à voir avec celle de l’entreprise. Avec des objectifs aussi différents de nature, pourquoi l’Etat devrait-il être géré comme une entreprise ? Pourquoi les politiques d’investissement d’un Etat et d’une entreprise devraient-elles être identiques alors que leurs raisons d’être sont profondément différentes ?

Réduire les coûts ou supprimer la cause des coûts ?

J’emprunte à nouveau au Lean management l’approche qui consiste à questionner la cause des coûts pour la supprimer plutôt que de chercher à toujours plus réduire les coûts. A ce titre, il est intéressant d’observer ce qui s’est produit au sujet du projet de réduction des coûts de l’ARE (Allocation pour le Retour à l’Emploi) : on a vu fleurir nombre de « solutions » : réduire la durée de l’ARE, introduire une dégressivité de l’ARE, etc. Dans un second temps, quelques voix ont questionné :
. Pourquoi vouloir réduire l’ARE quand le budget de l’ARE est excédentaire ? A distinguer du budget global de l’assurance-chômage qui lui est déficitaire (1% de la dette publique), car intégrant d’autres coûts que ceux de l’ARE (aide à la création d’entreprise, apport au budget de Pôle Emploi). [Source : Bruno Coquet cité par Christian Chavagneux]
. Faut-il attaquer l’ARE ou les causes du chômage ?

« Réformer jusqu’au bout »

A l’occasion du projet de loi sur le travail (projet de loi dit El Khomri), le Premier Ministre a déclaré vouloir « réformer jusqu’au bout ». Mais que peut bien être ce bout ? Que peut bien vouloir dire « réformer jusqu’au bout » ?…Jusqu’à l’avènement de l’homme nouveau ???

Continuons de questionner !…

Comme pour la conduite du changement en entreprise, il est essentiel de ne pas se précipiter vers des solutions qui ne traitent pas les causes du problème et ne font en fait qu’aggraver la situation, ne serait-ce que parce que l’on croit traiter le problème alors que ce dernier ne fait que s’accroître en silence…

Ilustration article nos mythologies économiques

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Billets d'humeur

SPOC Initiation au Lean Management

 

Illustration pour billet SPOC lean management

 

Impressions d’une participante au SPOC Initiation au Lean Management

Premier cours à distance en français sur le lean management, ce SPOC (Small Private Online Course) est animé par Marc Legru, Lean coach et directeur de missions, Operae Partners et organisé par Captain SPOC, dont la maison mère est Unow. Unow propose de nombreux MOOC dont celui sur la Gestion de projet qui a fait l’objet d’un article sur ce blog.

Points forts du SPOC sur le Lean management

Le SPOC atteint pleinement son objectif de faire découvrir ce que sont les principes et surtout la pratique du Lean management. J’ai trouvé le contenu du SPOC très riche et dense, la participation au SPOC étant relativement prenante. Il s’agit d’une formation très sérieuse que je recommande vivement à tous ceux qui cherchent à se faire une idée mais surtout à commencer à pratiquer le Lean.

Le SPOC Initiation au Lean Management est structuré en 5 modules :

  1. Q’est-ce que le Lean management ?
    Bénéfices, origines, ce qu’il n’est pas, le gemba, le respect des personnes et l’amélioration continue, une autre façon de voir les coûts.
  2. Apporter plus de valeur au client
    La magie des produits, pourquoi appréhender la valeur du point de vue client, comment capturer « la voix du client », les réclamations client.
  3. Les collaborateurs
    Former chaque personne de manière efficace, du développement à l’autonomie des personnes, la résolution des problèmes sur le terrain, le respect des personnes.
  4. Comprendre ce qu’est le système Lean
    Savoir identifier les vrais challenges de l’entreprise, sécurité des employés et satisfaction des clients, le juste à temps, l’auto-qualité, le kaizen.
  5. Le manager est un coach
    Savoir développer l’initiative et l’autonomie de ses collaborateurs. J’ai également perçu ce dernier module comme une synthèse des principes vus tout au long du SPOC.

De plus, diverses activités permettent de mettre en pratique les concepts vus lors des modules. Par exemple, ces activités permettent de tester un questionnaire « La voix du client » ou encore d’identifier les gaspillages (muda) dans une société traitant des demandes de prêts.

Parmi les outils utilisés, la technique des 5 Pourquoi pour identifier la cause racine m’a paru à la fois « simple » et très efficace.

Ce que j’ai particulièrement aimé

Le principe du kaizen, de faire soi-même l’effort de changer pour le meilleur, au travers d’une pratique consistant à améliorer continuellement et pas à pas le fonctionnement de l’entreprise.

« Le Lean ne s’adresse pas à tout le monde. Il s’adresse aux curieux, à ceux qui ont envie de progresser »…

« Bien souvent en réunion on échange des opinions mais on ne va pas chercher les causes racines »…

« Le manager doit avoir le courage de ne pas s’arrêter à ses convictions mais d’aller sur le terrain pour comprendre les faits. »

« Le lean requiert une certaine stabilité pour l’équipe : stabilité dans la charge de travail, stabilité dans les moyens, stabilité de l’équipe elle-même. L’instabilité a un impact sur la performance. »

Je vais maintenant me lancer dans la lecture du livre Le management Lean, de Michael Ballé et Godefroy Beauvallet, préfacé par Dan Jones, ouvrage remis aux participants du SPOC.

Le directeur de projet que je suis a observé que les exemples du SPOC portaient sur des « activités » et non pas des « projets ». Je souhaite maintenant explorer ce que le Lean peut apporter aux projets de transformation.


Comme vous le savez, chers lecteurs, il m’arrive d’avoir des idées bizarres et en ce temps de résultats électoraux, je m’interroge « Et si les politiques se mettaient au Lean ? » 😉 …

Illustration billet SPOC Lean Management