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Conte d’une transformation numérique

Un petit conte sur la conduite du changement…

Il était une fois un royaume où les cheveux grisonnants étaient une couronne et où le bien-être des aînés était roi. Il y régnait un directeur général, Aurélien, soucieux de faire briller son empire de centres de soins pour seniors. Il rêvait d’un royaume où la technologie numérique serait une baguette magique, facilitant la vie de ses sujets et améliorant les soins prodigués.

Mais hélas, ses sujets, les responsables des centres de soins, étaient des êtres attachés à leurs vieilles habitudes. Ils préféraient les échanges chaleureux et les carnets de notes aux écrans et aux clics. « Nous n’avons pas le temps pour ces nouvelles technologies », expliquaient-ils, « nous passons notre temps à devoir rassurer les familles, gérer les arrivées de nouveaux résidents et nous croulons sous l‘administratif. »

Aurélien, dépité, fit alors appel à une fée bienveillante, la célèbre Néï, experte en conduite du changement. Avec sa baguette magique, elle ne transformait pas les citrouilles en carrosses, mais les résistances en envies d’apprendre….

Image générée par IA

La fée Néï commença par écouter attentivement les préoccupations des responsables des centres de soins. Elle organisa des réunions où chacun pouvait exprimer ses craintes, ses défis ainsi que la raison d’être de son métier.

Néï introduisit des outils digitaux simples et intuitifs, qui pouvaient être facilement intégrés dans les routines quotidiennes des responsables, permettant de mesurer rapidement le temps gagné et l’efficacité renforcée.

Néï leur offrit alors un apprentissage progressif, adapté à chacun. Des ateliers pratiques, adaptés aux emplois du temps chargés, des tutoriels personnalisés, des échanges de bonnes pratiques et même un concours de la meilleure application numérique pour les seniors, furent organisés. Petit à petit, les réunions de suivi avec la fée Néï devinrent des moments de partage et de célébration des progrès accomplis.

Quelques mois plus tard, Aurélien vit son rêve se réaliser. Les centres de soins étaient plus efficaces, les aînés mieux suivis, et les familles rassurées. Les responsables de centres étaient reconnaissants envers la fée Néï d’avoir su les guider sans brusquerie, en intégrant leurs besoins au quotidien et sans dénaturer le cœur et le sens de leur travail.

Epilogue

Ainsi, dans ce royaume des aînés, les responsables de centres vécurent heureux et connectés, encore plus disponibles pour échanger avec les familles et consacrer leur énergie aux problèmes prioritaires.

La fée Néï s’envola vers de nouvelles aventures, prête à aider d’autres entreprises à naviguer sur les eaux du changement.

La fée Néï vous invite à indiquer en commentaire les thématiques que vous souhaiteriez voir éclairées de sa baguette magique !

PS : ce petit conte sur la conduite du changement ne traite pas de la crise actuelle dans les EPHAD.

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Conduite du changement : de quoi parle t-on ?

🏷️Je suis toujours ébahie par le nombre d’étiquettes qui collent à la « conduite du changement ». Cette expression aurait-elle autant de définitions que d’interlocuteurs ?

Associée au déploiement pour les uns, à de la pure communication façon « emballage cadeau » pour d’autres ou encore à du coaching pour certains, elle finirait presque par se vider de son sens.

Loin d’être un simple slogan managérial, la conduite du changement est une approche méthodologique, avec ses outils et ses pratiques. Elle s’applique à une transformation sans ou avec une partie « technique ».
Exemple « sans » :

  • passer à la semaine de 4 jours.
  • faire déménager le siège social et les équipes qui y travaillent.

Exemple « avec » :

  • automatiser la sélection des candidats.
  • introduire l’IA générative sur plusieurs cas d’usage.
  • numériser un processus de forage.

💻Dans le cas où la technique au cœur de la transformation est l’informatique, la conduite du changement gagne à s’articuler avec la méthodologie suivie pour piloter le projet informatique, approche agile ou mode cascade.

Image générée par IA pour illustrer l'article Conduite du changement : de quoi parle t-on ?

La conduite du changement prend en charge le « facteur humain » de la transformation. Elle existe pour contribuer à atteindre les objectifs et le ROI du projet en s’attachant à créer une vision partagée susceptible de mobiliser l’engagement du plus grand nombre. La vision partagée 🛣️construite par la conduite du changement prendra en compte les perspectives de bénéfices pour les utilisateurs, les populations cibles et leur parlera métier plutôt que ROI.

La conduite du changement participe également de la culture d’apprentissage et d’amélioration continue de l’entreprise.

Paradoxe de la conduite du changement, jugée « importante » ou « très importante » par les entreprises, elle est souvent la première cible lors des réductions budgétaires.

Comment expliquez-vous cela ? 🤔 J’ai bien quelques idées sur le sujet mais j’aimerais tant que vous exprimiez les vôtres ! 😊

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Conduite du changement : comment aider les managers de proximité

Les managers de proximité jouent un rôle clé dans la gestion des changements multiples au sein de leurs équipes. La plupart des projets de transformation étant pilotée en central, comment aider les managers de proximité à informer, accompagner les équipes et ancrer le changement ?

Nous proposons quelques pistes, issues de notre expérience dans des grandes structures.

🫱🏻‍🫲🏽Associer les managers de proximité à la construction de la conduite du changement.
Une approche de type co-construction permet aux managers de proximité d’être reconnus et valorisés dans leur rôle de manager. A l’inverse, une approche n’associant pas les managers de proximité risque de les démotiver en faisant fi de leur rôle de manager.  

🎚️Fournir des indicateurs adaptés au pilotage par le manager de proximité.
Les KPI de niveau projet ne permettent pas systématiquement une utilisation terrain. Il est donc nécessaire de prévoir des indicateurs spécialement adaptés aux besoins des équipes terrain. Là encore, l’idéal est de pouvoir associer les managers de proximité à la construction des tableaux de bord.

🧱 Prévoir une communication modulable. L’idée générale est d’éviter que le manager des proximité soit simplement un « passe-plat » mais au contraire puisse aisément construire une communication adaptée aux besoins de son équipe. Il s’agit donc de fournir des livrables spécifiques aux managers de proximité mais aussi des livrables adaptables par le manager de proximité pour qu’il puisse proposer du « sur-mesure » à son équipe.
Des témoignages de pairs ayant participé à des pilotes pourront venir compléter le dispositif utilisable par les managers de proximité, pour eux-mêmes et/ou leurs équipes.

En mettant en œuvre ces leviers, les managers de proximité pourront alors aider leurs équipes à naviguer avec confiance et succès dans les eaux parfois tumultueuses du changement. Sans les managers de proximité comme véritables acteurs du changement, il n’y a pas d’ancrage possible !

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Sens et perspective

« On sait beaucoup de choses, mais elles ne font pas sens. On a plus d’infos, et moins de perspective. »

Régis Debray, l’auteur de ces mots, serait sans nul doute stupéfait d’apprendre qu’il est cité dans un post sur l’accompagnement au changement. Pourtant, la première étape de la conduite du changement consiste à trouver sens et donner perspective à des changements qui en manquent parfois cruellement dans leur présentation initiale.

Le sens…François Cheng en parle si bien :

« Ce mot polysémique est un diamant du vocabulaire français. Comprimé en une seule syllabe, il donne lieu à trois définitions, à savoir : sensation, direction et signification. 
Ces trois définitions marquent en réalité les trois étapes, ou les trois étages, de notre existence. »

Plus modestement, en conduite du changement, j’utilise ces 3 termes comme des points de repère dans mon travail de consultante :

  • Signification : agir sans jamais perdre de vue le pour-quoi. 
  • Direction : tracer ou accompagner le chemin du changement, en pleine cohérence avec l’orientation choisie par le client.
  • Sensation : produire des livrables (communication, formation…) qui ont du corps et marquent les esprits.

Pour produire sens et perspective, pas d’instantanéité mais accepter la complexité, le temps nécessaire à la réflexion, voire l’absence de solution immédiate.

Cette étape de l’accompagnement du changement, consistant à créer une vision partagée, ne pourra pas se contenter des objectifs du projet. Réduire les coûts immobiliers est un objectif mais déménager pour réduire les coûts ne constitue pas une vision porteuse de sens pour ceux qui voient leurs trajets quotidiens augmentés. Il ne s’agit pas pour autant de peindre la vie en rose. « I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat» n’était pas un objectif mais bien une perspective, une vision riche de sens, qui a su provoquer l’engagement de tout un peuple.

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Billets d'humeur

Kodo : une expérience qui résonne en moi

Le monde n’est que changement. Il est d’autant plus important de se trouver ses rituels à soi, pour se sentir vivant et nourri des énergies les plus puissantes.

Hier soir, à la Salle Pleyel, j’ai eu le privilège d’assister une fois de plus au spectacle envoûtant du groupe Kodo et je suis toujours aussi émerveillée ! Ce groupe japonais de taïko a su captiver les cœurs et les esprits du monde entier avec leur art des percussions japonaises, et je suis fière de dire que je suis une fan depuis leurs débuts à Paris, il y a environ 40 ans. Je suis admirative de leur talent, énergie et passion. Leur performance artistique et athlétique incarne l’excellence individuelle et la puissance de la collaboration au service de la force du groupe.

La maîtrise parfaite de l’art du taïko, la beauté des tambours et des gestes venant les frapper, sans oublier une pointe d’humour dans certains morceaux ont de quoi susciter une admiration profonde.

Un spectacle de Kodo, c’est bien plus qu’une simple soirée de divertissement. C’est un rituel énergisant, une expérience sensorielle et culturelle incomparable.

Chacun de leur spectacle est pour moi une source d’inspiration, une expérience qui me transporte et me donne la force d’affronter les difficultés du quotidien.

Ce que j’aime particulièrement chez Kodo, qui signifie en japonais « battement de cœur » et « enfant du tambour », c’est l’engagement total de chaque artiste et le sens du collectif. Leurs tambours résonnent en moi comme un appel à l’action.

Voir et entendre Kodo pendant 2 heures est une véritable leçon de vie qui vous accompagnera longtemps après le spectacle. Je crois qu’il reste quelques places pour Kodo à Nantes (6/3/2024), Rennes (7/3/2024) et Lyon (9/3/2024). Profitez-en !

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Conduite du changement et no code

Lors d’une transformation, les professionnels de la conduite du changement cherchent à embarquer les collaborateurs et susciter leur engagement. Cet objectif s’avère difficile dans un contexte où les collaborateurs sont souvent soumis à de multiples changements à répétition, sans vision globale ni bénéfices immédiats pour eux-mêmes. Le no code serait-il la solution ?

Rappelons que le no code permet à des non informaticiens, des personnes qui ne savent pas développer de créer des applications web et des automatisations sans avoir besoin de coder. Le no code démocratise l’accès à la création numérique et peut rendre chacun acteur du changement.

🔓Briser les barrières : la pratique du no code permet aux non informaticiens
– de mieux comprendre les métiers et contraintes de leurs collègues IT
– de mieux faire comprendre leurs besoins et pourquoi pas de créer eux-mêmes un POC

👩‍💻Favoriser l’autonomie : le no code facilite l’émergence d’idées d’automatisation ou de création d’applis par les utilisateurs. Ils peuvent développer par eux-mêmes sans solliciter les équipes IT dont les ressources pourront être affectées à des programmes prioritaires ou complexes. Ceci doit bien évidemment se faire dans le respect des règles d’architecture et de sécurité informatiques définies par l’entreprise.
Dans les grandes structures, le territoire du no code reste à explorer et baliser, pour ne pas re-créer les inconvénients du « shadow IT ».

🪄Contribuer à une culture de l’innovation : les outils no code sont en constante évolution et de plus en plus souvent couplés avec l’IA. Ils favorisent ainsi, en douceur, l’appropriation de l’innovation technologique par des non techniciens.

🎯Le no code peut contribuer à faire tomber des barrières au sein de l’entreprise et donner des clés pour appréhender plus sereinement le changement.

🙋Partagez en commentaire vos expériences en la matière !    

NB : illustration générée par IA à partir d’un prompt sur le #nocode et la #conduiteduchangement

PS – Merci à #Winside, sa formation sur le no code et la « promo 11 », qui m’ont inspiré cet article de blog !

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Apprendre à manager, c’est ne plus se sentir seul

Une fois n’est pas coutume, je vous invite à lire un entretien mené par Christophe Faurie, Président de l’association des INTERPRENEURS.

Pour lire l’article, cliquez ici : Apprendre à manager, c’est ne plus se sentir seul.

Beau mois d’août à tous !

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Contenu d’un plan d’actions de conduite du changement

Ce mois-ci, un article pratico-pratique sur le contenu d’un plan d’actions de conduite du changement.

Que doit contenir le livrable appelé plan d’actions de conduite du changement ?

La vision

Si vous n’êtes pas familier de John Kotter et de ses étapes du changement, pas de panique ! 😉
Projetez-vous en cible, une fois le changement, le projet fini. Comment fonctionnera le système ? En quoi sera t-il mieux qu’avant ? En quoi répondra t-il aux enjeux identifiés ?

Notez les fruits de votre réflexion de façon synthétique dans le plan d’actions.

C’est à partir de cette vision que vous pourrez construire votre plan d’actions de conduite du changement.

illustration conduite du changement

Le chemin

Indiquez également la façon dont vous allez rythmer la conduite du changement. La conduite du changement n’est pas « instantanée », ni « one shot ». Concevez le chemin que vous souhaitez donner à vos actions de conduite du changement.

Les populations cibles

Il s’agit d’identifier exhaustivement les différentes populations concernées par les changements à venir. Ce travail aura probablement été effectué antérieurement à la rédaction du plan d’actions de conduite du changement, à savoir au moment de l’analyse avec le modèle OMOC.

Les relais du changement

Indispensable ! Identifiez les personnes, les fonctions, les responsables sur lesquels vous pourrez vous appuyer pour transmettre « les bons messages ».

illustration conduite du changement

Les relais managériaux

La gestion du changement fait partie du périmètre de responsabilité des managers. Pour s’assurer que les managers des populations cibles puissent agir en véritables « relais », il est indispensable de les « embarquer » dès le début du projet ou au moins en amont des premières actions de conduite du changement. Leur information doit précéder celle des populations cibles.

Dans le plan d’actions, il convient d’identifier les « strates » managériales et le rôle que vous attendez d’elles dans le cadre de la gestion du changement.

Les livrables

Identifiez les livrables nécessaires pour la formation, la communication et les actions spécifiques d’accompagnement des relais managériaux et des populations cibles. Ne faites pas ce travail en chambre mais appuyez-vous sur les équipes de formation, communication et les représentants métiers, c’est à-dire les représentants des populations cibles si vous n’êtes pas en mesure de les rencontrer directement.

Les éléments budgétaires

Un macro-chiffrage des livrables doit figurer au plan d’actions. Se livrer à cet exercice vous permettra également d’identifier les procédures budgétaires auxquelles vous devrez vous conformer pour obtenir les budgets nécessaires.

Le planning

Le planning de la conduite du changement est distinct de celui du projet informatique ou organisationnel. Au risque de caricaturer un peu les choses, on pourrait dire que le planning de la conduite du changement au sein des populations cibles commence quand celui du projet se termine. Dit autrement, c’est quand l’outil informatique est livré avec une nouvelle procédure et une organisation remaniée que commence le changement pour les populations cibles.

Le RACI

Commencez à indiquer un « macro-RACI » dès la rédaction du plan d’actions. Relisez notre article sur le RACI !

Ainsi structuré, le plan d’actions de conduite du changement pourra vous accompagner tout au long du projet et de la mise en place de la conduite du changement opérationnelle.

Qu’en pensez-vous ? Voyez-vous d’autres rubriques à inclure dans ce livrable ?

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Ce que l’on attend du manager ou le chemin « du manager agile au leader designer »

Manager d’hier, aujourd’hui et demain

A l’heure où le manager tente de maîtriser l’agilité il sait déjà que de nouvelles attentes émergent et qu’il lui sera bientôt demandé de se transformer en leader designer…

C’est ce qu’explique Cécile Dejoux dans la 3ème édition de son ouvrage « Du manager agile au leader designer », collection Les topos aux éditions Dunod.

En 7 chapitres*, l’auteur retrace les fondamentaux du management et leurs évolutions, au travers des nombreuses théories du management.

Aux briques de base du manager (savoir décider, savoir motiver, développer les talents) s’ajoutent désormais de nouvelles compétences, celles liées au digital, l’agilité et le design thinking. Pour le numérique, il s’agit au minimum d’acquérir les bons codes et d’en déceler les bonnes règles. Au travers de l’agilité, le manager devra apprendre le travail collaboratif. Enfin, le design thinking permettra au manager de penser hors du cadre et de se transformer. Vaste programme !

 * Manager au siècle du digital et de la mondialisation : un métier ou un talent ?, Planifier, Décider, Motiver, Développer les talents, Les compétences de la civilisation numérique : compétences numériques, d’agilité et de design thinking et le dernier chapitre, du manager au leader.

blog repères changement entreprise

 

Ce qui aurait pu figurer au fil des pages

Au chapitre « décider », j’aurais aimé trouvé l’approche du mode de décision en fonction du je/nous; je vous renvoie donc au billet de ce blog Décision et changement.

Le temps, les temps du manager ne sont pas abordés. Il manque une réflexion sur les différentes dimensions du temps, le manager gardien du temps, jongleur du temps, des temps. Ce manque tient sans doute au fait que les différentes théories du management n’y ont pas suffisamment accordé de place.

La dimension management transverse mériterait une place plus importante dans l’ouvrage; je regrette qu’elle ne soit pas traitée à part entière.

Ce que j’ai particulièrement aimé

Le travail de recensement des différentes théories du management et leur présentation synthétique, en fonction des thèmes abordés, en particulier des tableaux reprenant chefs de file des théories et idées majeures.

Pas de « vérités » péremptoires dans cet ouvrage, mais une prise de recul salutaire sur les transformations observées ou voulues.

Au chapitre « décider », le rappel d’une des théories de la décision qui considère que choisir relève de l’intelligence alors que décider fait appel au courage

En résumé, un ouvrage synthétique utile pour prendre un peu de hauteur et de recul sur ce que l’on attend du manager.

blog repères changement entreprise

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Et si la révolution française n’avait pas eu lieu

Musée Carnavalet

L’uchronie est-elle utilisable en entreprise ?

Le 2 avril dernier la mairie de Paris organisait la nuit des débats. Plus de 100 débats organisés dans la ville, sur des thèmes variés et tous intéressants. J’avais choisi d’assister au débat « Et si la révolution française n’avait pas eu lieu » au musée Carnavalet, curieuse de découvrir ce que pouvait bien être l’histoire contrefactuelle (technique du « et si tel événement n’avait pas eu lieu, que se serait-il passé ? ») ou uchronie. Enthousiasmée par cet atelier d’histoire partagée, j’ai eu envie de vous faire part de mes réflexions issues de ce débat et de voir si des transpositions étaient possibles dans le monde de l’entreprise, plus particulièrement pour y faciliter le changement.

Exemples d’histoire contrefactuelle :
  • Et si Hitler avait gagné la seconde guerre mondiale ?
  • Et si l’année 1 n’était pas l’année de naissance du Christ mais l’année de la passion du Christ ? (l’année 33 devient l’année 1)

L’atelier d’histoire partagée

Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, auteurs de « Pour une histoire des possibles », avaient organisé le débat de la façon suivante : après une explication sur ce qu’est l’histoire contrefactuelle (technique utilisée également par les physiciens, par exemple) et ce qu’elle peut apporter (voir entretien avec ces deux historiens Imaginer d’autres fins possibles), le public était invité à réfléchir sur 4 cas successifs autour de la révolution française. Il s’agissait d’imaginer à la fois sérieusement mais de façon ludique ce qui aurait pu se passer si la fuite du roi avait réussi, la prise de Bastille passée inaperçue, etc. Etait également présente la professeur d’histoire Héloïse Bocher, auteur de « Démolir la Bastille ». Le public étant composé de non spécialistes, les historiens avaient eu la prudence de nous rappeler les grandes dates de la révolution française.

Les historiens qui organisaient un tel atelier pour la deuxième fois nous ont fait part à la fin du débat de leur satisfaction quant à la richesse des réponses apportées par le public. Pour ma part, les historiens m’ont paru être excellents dans leur rôle d’animateurs d’un tel atelier. L’interactivité entre public et animateurs était de grande qualité.

La nuit des débats

Libérer de l’intelligence

Sans être experts, les participants ont pu participer à la construction de raisonnements. Les réponses ne nécessitaient pas de se positionner « pour » ou « contre », comme dans un débat traditionnel. Les questions posées nécessitaient un minimum de connaissances mais surtout de faire appel à son imagination, ses croyances et son courage.

Courage

Pour répondre à la question « Selon vous, que se serait-il passé si le roi était revenu à la tête d’une armée ? » il faut avoir le courage de dire en public quelque chose qui n’a pas d’existence, qui ne peut pas avoir déjà été approuvé par une autorité établie. Il faut « se lancer ». Il ne s’agit pas de répéter en public ses connaissances ou de proclamer haut et fort ses opinions mais de faire un saut dans l’inconnu.

Le courage était aussi du côté des animateurs, historiens et professeurs, qui n’étaient pas là pour briller de l’exposé de leurs expertises face à un public non spécialiste mais qui acceptaient de prendre le risque de faire un flop face à un public inconnu qui aurait refusé de participer ou de « jouer le jeu ».

Imagination

Cette technique nous fait « sortir », construire des idées auxquelles nous n’avions jamais pensé ! Et ce sur un mode ludique. Idéal pour casser les déterminismes et les paresses de l’esprit.

Lors du premier cas « Et si le roi était revenu avec une armée », les premières minutes de réflexion ne sont pas « évidentes ». J’ai observé que les premiers à prendre la parole ne répondaient pas à la question mais posaient des questions aux historiens puis, petit à petit, le public a pu véritablement répondre à cette question a priori si déconcertante. Certains imaginant ce qui se passait tout de suite après le retour du roi, d’autres s’exclamaient « Il n’y aurait pas eu Napoléon ! » d’autres encore imaginaient l’impact sur les discours politiques français actuels…

Croyances

Les réponses apportées font appel aux connaissances et aussi à nos propres croyances. Au lieu d’être présentées, voire pensées comme des vérités nos croyances sont alors exprimées pour ce qu’elles sont puisque ce que nous disons n’a pas de réalité historique. C’est un bon exercice de lucidité, d’humilité et de connaissance de soi !

L’absence de consensus n’est pas un échec, au contraire 

Dans cet exercice d’histoire contrefactuelle, l’absence de consensus n’appauvrit en rien le résultat. Au contraire, la diversité des réponses permet de mieux voir le champ des possibles. Tout le monde ne se rue pas sur une solution, en général celle qui paraît la plus réaliste, économique, facile à mettre en oeuvre. Toutes les possibilités ont droit de parole. La réussite de l’exercice ne tient pas à l’accord obtenu sur LA solution mais bien à la richesse des possibles obtenus qui peuvent chacun être conservé, « validé ».

Les participants expriment des idées, des opinions différentes mais ne s’opposent pas entre eux. Je crois que le fait que chacun ait conscience d’exprimer quelque chose qui n’a pas eu lieu permet cette absence d’opposition stérile.

Quelles transpositions pour l’entreprise ?

J’imagine des transpositions possibles lors de séminaires d’entreprise, de formations ou de groupes de travail pour faciliter :
– le changement d’opinion, ce que l’entreprise pense d’elle-même
– le besoin de « faire bouger les lignes »
– la créativité.

« Et si le smartphone avait fait un flop auprès des consommateurs ? »

« Et si la fusion avec X n’avait pas eu lieu il y a 3 ans ? »

 » Et si l’ERP lambda n’avait pas été mis en place en 2012 ? »

Alors, que cela vous inspire t-il ? A vous !