Aujourd’hui, j’ai envie de partager mon enthousiasme pour le film de Jeanne Herry « Je verrai toujours vos visages« . Quel lien entre la justice restaurative et un blog dédié à la conduite du changement me direz-vous ?
La justice restaurative permet notamment à des victimes et des auteurs d’infractions de se rencontrer dans un cadre sécurisant et de se parler « vraiment », encadrés par des médiateurs formés à cette approche. Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le site www.justicerestaurative.org.
A la fin du film, une voix off nous renseigne sur la nature profonde de la justice restaurative : « C’est tout ce que la société n’aime pas : ça prend du temps, ça demande beaucoup de personnes, le résultat est incertain, on ne sait pas combien de temps ça va prendre…Quand à la fin des rencontres, vous verrez les victimes et les auteurs d’infractions prendre ensemble des selfies, ne dites pas que c’est de la magie. C’est du travail, rien que du travail. » (je cite de mémoire)
C’est ce travail inscrit dans le temps qui rend possible ces magnifiques changements, tout au long du processus de justice restaurative :
Une dame âgée qui ne sort plus de chez elle depuis un vol à l’arraché va retrouver le plaisir d’aller acheter une chemise pour…un des détenus qu’elle voit dans le cadre des réunions de justice restaurative.
Une jeune femme victime d’un braquage dit ne rien attendre d’autre que pouvoir exprimer sa colère et va finir par remercier l’un des détenus quand celui-ci trouve les mots pour apaiser sa peur.
Un homme victime d’un home jacking va proposer à un détenu pour vols avec violences de lui faire ses dossiers administratifs à sa sortie de prison.
Un détenu cherche son intérêt (réduction de peine ? juge favorablement impressionné ?) à participer à cette approche de justice restaurative et, une fois libéré, continue de venir à la prison pour participer aux réunions. Ce même détenu avait dit à une des victimes « Vous me faites penser à ma grande soeur…J’ai repris contact avec ma soeur… »
Quel beau chemin de changement entre les premières réunions, tendues avec des propos préparés, quelque peu convenus et les dernières séances où victimes et auteurs d’infraction se parlent spontanément et mêlent leurs rires autour de bons gâteaux !
La conduite du changement mise en place par les médiateurs permet aux victimes dans la peur et la colère d’aller vers un dépassement de la violence subie et à ceux qui ont commis une infraction de s’ouvrir à la responsabilisation et d’acquérir la volonté de ne pas replonger parce que, comme le dit un détenu en s’adressant aux victimes qu’il a appris à connaître « Je verrai toujours vos visages ».
Un des mérites de ce beau film est de nous rappeler comment l’humain fonctionne, dans sa complexité et sa subtilité.
Travail humble et « mine de rien », cadre sécurisant, un zeste de confiance, un brin de courage, inscription dans le temps, engagement, ténacité, l’humain au centre…pour s’autoriser les déclics et changer ainsi le « cours des choses ».
On est là au coeur de la conduite du changement.
Après avoir vu ce film, en reprenant le métro, je me suis surprise à ne pas plonger le regard dans mon smartphone mais à prendre le temps de découvrir chacun des visages autour de moi…
Impossible pour une consultante en management, orientée conduite du changement, de ne pas oser un parallèle entre la conduite du changement menée par le gouvernement dans le cadre de la pandémie et celles mises en place lors de projets en entreprise. Occasion de passer en revue quelques « incontournables » des théories de la conduite du changement en entreprise. Dans ce modeste article de blog, une simple ébauche, vous ne trouverez ni recette ni solution toute prête, simplement, peut-être, quelques éléments de réflexion.
L’initiateur du changement est celui qui sait
Patatras ! A l’occasion de la crise sanitaire cette croyance a dégringolé de son trône ! Beaucoup ont même été décontenancés que le pilote du changement (pour faire simple disons le gouvernement) ne soit pas omniscient, à chaque instant.
En entreprise, dans grand nombre de cas, l’initiateur du changement planifié, dirigé, sait. Plus ou moins. Au fil du temps, l’équipe en charge va devoir gérer des évolutions : réglementaires, du marché, des concurrents…Ces évolutions seront d’autant mieux gérées que la vision cible aura été explicitée, partagée et rappelée très régulièrement. Chacun a besoin de comprendre pour quoi on doit mobiliser toute cette énergie, tous ces efforts. Pas seulement « pourquoi » mais « pour quoi ». De plus, le « pour quoi » doit être perçu comme un bénéfice. C’est la dure loi de la conduite du changement…
Autre différence essentielle en entreprise : les populations cibles (celles qui vivent le changement) n’assistent pas aux débats d’experts, de sachants montrant qu’à un instant t, ils ne savent pas. Ils ne savent pas tout ET ils doivent initier puis piloter le changement. Les querelles d’experts au début de la crise sanitaire ont rappelé aux initiateurs du changement en entreprise, si besoin était, que les débats d’experts n’ont pas à être partagés avec ceux qui n’ont pas la charge de piloter le changement. Ce qui peut être perçu de l’extérieur comme absence de compétences va créer de la peur, voire un risque de défiance et décrédibilisation de celui qui va ensuite devoir mettre en œuvre les mesures du changement. Pas top pour préparer un changement, mais excellent pour alimenter la résistance au changement !
Au fond, nous avons beaucoup de chance en entreprise de ne pas avoir à rendre public les multiples échanges et tâtonnements des équipes en charge des programmes, tout en respectant l’information des instances représentatives du personnel et recueillant à cette occasion des éléments qui seront fort utiles à la conduite du changement.
Tous ces « débats » publics sur la crise sanitaire ont aussi rappelé l’impasse que constitue le « J’ai raison, tu as tort. » En matière de changement, ça ne fait pas avancer les choses. On peut exprimer à l’autre pourquoi on fait tel choix, exposer son raisonnement et ses croyances mais de là à dire « J’ai raison et toi tu as tort »… Cela ne va pas aider l’autre, la posture d’aidant étant pourtant celle qui marche le mieux (ou le moins mal) quand on est dans le rôle d’initiateur du changement.
Par effet miroir, beaucoup de ces échanges publics ont pu également nous ramener à l’importance de la sobriété, la prise de distance, la précision et la mesure dans le propos. Ne pas perdre de vue l’objectif du changement, ne jamais s’en écarter. Ne pas dériver. Ne pas détourner l’effort de son objectif. Comme le rappelait récemment le directeur de l’AP-HM, se faire vacciner (ou pas) n’est PAS un acte de soutien (ou non) au gouvernement.
Je reviens à l’entreprise : l’initiateur du changement, ce qu’il représente, ne doit pas faire oublier l’objectif du changement. La conduite du changement élaborée par un programme ne doit pas être ressentie par ceux qui vont avoir à vivre les changements comme le changement du programme, la propriété, la chose du programme.
Enfin, ne présupposons pas que nous savons ce que pensent ceux qui vont vivre le changement. Interrogeons-les ! (cf. baromètre ICAP)
La perception des bénéfices n’est pas la chose du monde la mieux partagée
« Contrairement à ce que disent certains, l’état d’esprit du pass n’est pas du tout de pousser les non-vaccinés à se faire vacciner ou les punir. C’est de permettre à ceux qui sont vaccinés d’avoir une vie la plus normale possible malgré le contexte. » aurait déclaré le Ministre des Solidarités et de la Santé au magazine Society.
Propos surprenant, l’instauration du pass sanitaire ayant été relayée dans les media comme le bâton brandi pour amener les hésitants à aller se faire vacciner. Cependant, ce propos du ministre peut aussi faire référence à un différentiel d’analyse de la situation. Le pass est considéré comme « bâton » si l’on considère que la situation normale est l’accès de tous aux cafés et lieux culturels mais il peut être perçu comme « carotte » ou « cadeau » s’il permet d’accéder à des lieux qui « devraient » ou « risqueraient » d’être fermés. En revanche, il me semble difficile de le voir comme un « outil neutre », hors champ punition-récompense, à ce stade de la conduite du changement.
On voit là le type de malentendu qui peut émerger lors d’une conduite du changement quand l’écart des visions sur une même situation n’est pas explicité mais seulement sous-entendu. Le bâton perçu par ceux qui doivent vivre le changement serait carotte (ou même pas ?) dans l’esprit de ceux qui pilotent le changement. Afin d’éviter d’en arriver là, en tant qu’initiateurs du changement, soyons en permanence vigilants aux évidences qui ne le sont que pour nous-mêmes, tout en sachant que l’exercice est…impossible ? La conduite du changement nous ramène constamment à la modestie, c’est là une de ses nombreuses vertus 😉
Bâton ou carotte (à un certain stade, rien ne peut plus être perçu comme « outil neutre »), il me semble que cela nous renvoie aussi au diagramme de Knoster, Villa et Thousand. L’absence de bénéfices ou perception de bénéfices génère de …la résistance.
Qui sont les relais du changement ?
Propos d’un restaurateur de bonne volonté qui venait de s’organiser pour contrôler les pass sanitaires de ses clients : « Nous restaurateurs ne sommes pas les relais du gouvernement ».
On ne dira jamais assez l’importance des relais du changement et des relais managériaux pour ceux qui initient le changement. Je vous renvoie à vos ouvrages préférés sur le sujet… Dans les structures de grande taille, le changement ne s’applique jamais directement de l’initiateur à la cible. Il y a toujours des relais, souvent un peu oubliés ou négligés. C’est pourtant eux qui sont sur le terrain et se retrouvent au contact direct des réactions des populations cibles. Les relais ont besoin de recevoir des signes de reconnaissance. Ne serait-ce que pour pouvoir compter sur eux lors du prochain changement à gérer. Ceci dit, je sais la difficulté à traiter ce point en entreprise de grande taille…
Je voudrais aussi citer le cas des relais « spontanés » ou « auto-désignés ». Dans l’exemple de la crise sanitaire en France, des citoyens se regroupent pour tenter de dialoguer et répondre aux sceptiques et antivax sur les réseaux sociaux, de façon bénévole. Certains obtiennent même le statut de service de presse en ligne. Bravo à eux ! En entreprise, l’équipe en charge du changement pourra regarder ce qui se passe sur les réseaux sociaux internes ou susciter le partage des bonnes pratiques et identifier ainsi ces relais « spontanés ».
A l’échelle d’un pays, dans la gestion de la crise sanitaire actuelle, on retrouve tous les grands leviers, tous les risques d’une conduite du changement pour un projet d’envergure au sein d’une entreprise. Il me semble cependant que l’irrationnel, bien que présent en entreprise, ne peut s’y octroyer une place aussi importante que celle prise dans le débat public actuel. Mais nous touchons là à un autre sujet…
Il y a bien d’autres champs à explorer sous l’angle de la conduite du changement. J’aurais pu aborder l’évaluation de la résistance au changement, la mise en place d’un changement sur un « terrain » déjà très fragilisé, le courage dans la conduite du changement, l’absence de repères communs, le choix des mots, l’exploration du champ des possibles, l’effet bulle (d’angoisse, de colère, de ressentiment) qui gonfle qui gonfle qui gonfle… Ce sera peut-être l’objet de prochains articles sur ce blog…
Et vous, au prisme de la « conduite du changement », vers quelles réflexions vous conduisent les différentes adaptations que nous vivons chacun d’entre nous, depuis le début de la crise sanitaire ?
Nous vous proposons ce mois-ci un rapport d’étonnement sur ce qui nous paraît être le symptôme d’un changement sociétal à moins qu’il ne soit que perception illusoire…
Vous ne trouverez donc pas ici de solution prête à l’emploi en réponse à un problème bien circonscrit mais un questionnement dont nous espérons qu’il fera écho à vos propres réflexions et interrogations.
Il est une fois…quelques aventures en terre inconnue humaine
Les interactions humaines nous laissent de plus en plus souvent décontenancés, voire démunis. Pour illustrer notre propos, quelques anecdotes puisées dans le quotidien de nos vies ou celles de nos proches.
Une cliente prend RV chez sa coiffeuse. Ne vient pas au RV. Ne prévient pas.
Une semaine plus tard, elle appelle sa coiffeuse pour prendre RV (2). Ne vient pas au RV (2) Ne prévient pas (2).
Une semaine plus tard, elle appelle sa coiffeuse pour prendre RV (3). La coiffeuse l’informe qu’elle est au regret de ne plus pouvoir accepter de lui réserver un créneau sur son agenda.
Une réunion est organisée pour répondre à la demande d’un manager. En se rendant à la réunion, un des participants aperçoit le manager en train de prendre un café dans l’espace pause détente. Dans la salle de réunion, les participants s’étonnent de l’absence prolongée du manager. Au bout de 30 minutes, sans nouvelle du manager, ils quittent la salle pour rejoindre leurs bureaux. Sur le chemin, ils croisent le manager qui leur lance « On n’a pas une réunion ensemble ? »
Une direction générale lance un projet stratégique à réaliser dans des délais très courts. Un chef de projet est choisi, l’équipe est mobilisée, mise en tension. Les travaux avancent vite. La finalisation requiert quelques décisions de direction. Le chef de projet en réfère au comité de direction. Demande de RV, sollicitation par téléphone et par courriel, en vain pendant 2 mois. Pas de réponse : un comité de direction muet … Finalement, le chef de projet reçoit un mail d’un membre du comité « Où en êtes-vous dans ce projet ? Nous avons pris un retard énorme c’est inadmissible ! »
Mais encore…
Un manager envoie assidûment des comptes rendus d’activité à sa direction et régulièrement il se voit poser des questions dont les réponses sont traitées dans les documents transmis.
Un particulier à la recherche d’une place de parking à louer répond à une annonce et fixe RV avec le propriétaire pour que celui-ci puisse vérifier que la place de parking correspond bien à ses besoins. A l’heure dite, le propriétaire attend, personne ne vient. Il envoie un SMS au locataire potentiel. Puis un second. Finit par obtenir un message expliquant que le potentiel locataire de parking a été retenu à son travail. Magnanime, celui-ci précise « Ne m’attendez pas ». Sans chercher à reprendre RV.
En quoi ces anecdotes trouvent-elles leur place sur un blog dont le but est de donner quelques repères sur les changements en entreprise ?
En quoi ces « saynètes » seraient-elles révélatrices d’un changement sociétal à l’œuvre ?
Y a-t-il matière à débattre ?
Il importe tout d’abord de s’interroger sur la réalité ou non d’un changement.
A la lecture de ces quelques anecdotes, certains d’entre vous peuvent se dire que ce type de comportement a toujours existé, que ces personnes ont eu à interagir avec des individus mal élevés et que cela relève de faits anodins, sans conséquences graves, qui ne méritent pas que l’on s’y attarde et ne relèvent pas d’un changement sociétal.
D’autres peuvent aussi considérer que ces historiettes relèvent de la mise en place d’une nouvelle norme sociale (« c’est comme ça ») et qu’il serait vain de chercher à comprendre leurs ressorts ou identifier leurs éventuelles conséquences.
Les auteurs de ce billet observent que ces récits ne sont qu’un échantillon de ce que l’on peut se raconter régulièrement, entre amis, entre collègues, entre fournisseur et client sur le mode « de mieux en mieux et de pire en pire ». Ces narrations répondent au besoin d’exprimer leur désarroi de la part de ceux qui sont parties prenantes de ce type de situations qui auront été vécues comme inédites, surprenantes et désagréables, déstabilisantes et difficilement « gérables ». Dans certains cas, cela peut être vécu comme un affront fait à la personne, une forme d’indifférence pour les attentes et besoins de l’individu.
Affaire de conscience ?
Le comportement observé va souvent à l’encontre des intérêts de la personne à l’origine du comportement dérangeant. Le changement est donc peut-être à chercher du côté d’une absence de prise en compte de l’autre, de soi, ce qui amène la question troublante d’une éventuelle absence de conscience.
Absence de conscience des conséquences pour l’autre, voire même pour soi (ses propres intérêts) : pas de prise de conscience de l’enjeu pour la coiffeuse (perte de chiffre d’affaires pour cause de RV non annulé), pour le propriétaire qui attend debout 30 minutes dans le parking, pour le chef de projet qui a besoin d’une réponse pour pouvoir poursuivre son travail.
Selon Descartes la conscience serait la connaissance de ce qui se passe en soi et hors de soi. Conscience immédiate (celle qui nous met en relation avec le monde – Je vois un collaborateur) ou conscience réfléchie (celle qui consiste à prendre conscience de soi en train de percevoir), on considère ainsi que la conscience est le propre de l’homme, par opposition aux animaux ou aux plantes qui en sont dépourvus. Si la conscience définit l’homme, que dire de l’absence de conscience ?
Comment qualifier les changements en jeu ?
Nous ne décelons plus la logique de l’autre, sa rationalité.
Nos grilles de lecture habituelles ne nous permettent plus de décoder le comportement de l’autre, que l’on perçoit comme un comportement altéré. Sous l’effet du stress ? de la difficulté à tenir sa place d’adulte dans une vie contemporaine vécue comme difficile, qui nous dépasse ?
Face à ce comportement modifié, nous sommes un peu comme une poule devant un couteau ! Nous restons ébaubis, coi, saisis.
Peut-être pouvons-nous utilement nous rapprocher de l’analyse de Zygmunt Bauman (La vie liquide) et acter que l’humain n’est plus qu’un objet de consommation comme un autre. Jetable dès qu’il n’est plus utile à satisfaire l’envie ou le besoin du moment. L’autre n’est plus individu, sujet, ayant droit, mais simple objet de consommation. Cette grille de lecture peut nous aider à appréhender ces comportements altérés susceptibles de nous déstabiliser. Se rappeler qu’aux yeux de l’autre je ne suis peut-être pas considéré comme un être, un sujet de droit mais un simple objet de consommation…
Bref, l’autre ne me calcule pas !
En quoi peut-on parler de changement sociétal ?
Dans chacune des anecdotes citées en exemple, nous sommes face à des conceptions de l’interaction humaine probablement très différentes de part et d’autre.
Sommes-nous à la croisée des chemins entre engagement et désengagement ?
Existe-t-il d’autres approches sociologiques que celle de Zygmunt Bauman pour explorer ce phénomène ?
Quelles sont les conséquences possibles de ces changements ?
« Je ne louerai mon parking qu’à une personne que je connais déjà »
« La direction se fiche complètement du projet »
« Je n’ai plus ma place là-dedans »
Pour ceux qui sont affectés par ce qui semble relever d’un mouvement de fond, d’un changement sociétal en train de se mettre en place, les conséquences potentielles ne sont pas négligeables :
Manque de confiance en soi.
Apparition de croyances limitantes, génératrices de la peur de l’autre.
Recherche de « l’entre soi », voire repli sur soi.
La source de ces possibles souffrances ne nous semble pas relever d’un processus d’acculturation mais d’une dynamique sociale ayant modifié les comportements d’individus initialement d’une même culture.
Comment y répondre ? Peut-on y répondre ?
Tout le monde s’accorde à dire que le monde est désormais VUCA (Volatility – Uncertainty – Complexity – Ambiguity) et comme toujours, chacun fait comme il peut.
Ici, il s’agit de trouver sa propre approche pour être le moins inconfortable possible, face à ces situations de comportement altéré.
Parmi les anecdotes citées, la coiffeuse a su trouver une réponse qui paraît pleinement adaptée par la protection qu’elle met en place.
Certains, reconnaissant les sentiments et les émotions de leurs interlocuteurs feront preuve d’empathie. Les pratiquants de la CNV tenteront sans doute d’aller sur la colline de l’autre et entamer une danse entre leurs besoins et ceux de l’autre.
Et vous ?
N’hésitez pas à laisser vos commentaires sur le blog !
Quant à nous, nous ne manquerons pas de vous tenir informés dès que nous aurons trouvé la solution prête à l’emploi…
Ceux qui conduisent le changement en entreprise considèrent le « changement permanent » comme un élément de contexte qui va de soi, une donnée de base. Aussi est-il utile de prendre du recul et de lire ou relire la critique du changement selon « La vie liquide », de Zygmunt Bauman. Dans son célèbre ouvrage, le sociologue disparu en 2017 décrit notre vie contemporaine prise dans le flux continu de la mobilité et de la vitesse, voire de l’accélération. Triomphe du consumérisme où l’homme devient lui-même objet de consommation avec une date limite de consommation au-delà de laquelle il n’est plus bon à rien d’autre qu’être jeté.
Le regard critique de Bauman sur le changement apparaît notamment dans les chapitres « Des consommateurs dans la société moderne liquide », « Apprendre à marcher sur des sables mouvants » et « Penser dans de sombres temps (relecture d’Arendt et d’Adorno) ».
Je vous laisse savourer quelques extraits…
Capacité à oublier instantanément
Pour illustrer son propos, Zygmunt Bauman analyse les qualités requises pour les missiles intelligents, aisément transposables à nous-mêmes… « Ce que le « cerveau » d’un missile intelligent ne doit jamais oublier, c’est que le savoir qu’il acquiert est éminemment jetable, valable uniquement jusqu’à nouvel ordre, utile seulement à titre provisoire, et que la garantie du succès tient à ce que l’on ne laisse pas passer l’instant où le savoir acquis perd son utilité et doit être mis au rebut, oublié et remplacé. »
A méditer pour tous ceux qui ont appris que conduire le changement commençait par construire une vision partagée, avec un but « fixe » à atteindre…
Changer sans perspective de victoire finale ni ligne d’arrivée ?
« Quand la cible n’est pas fixe, il est évidemment impossible de savoir à quelle distance on se trouve d’elle, et combien de temps on devra encore se battre pour l’atteindre. Cette incertitude est inamovible. Elle ne s’en ira pas, à moins que nous jetions l’éponge, que nous abandonnions tout espoir de victoire et que nous stoppions nos efforts. »
Combien de projets « avec cible mouvante » aujourd’hui dans les entreprises en pleine transformation ?…Combien de projets où l’épuisement et la perte de sens gagnent en cours de route ?
Changement à perpétuité ?
Après les missiles intelligents, Bauman nous parle des héros contemporains. « Ils ne sauraient comment s’y prendre si on leur demandait de rester tranquillement assis. Le rejet du changement lui-même leur impose d’agir. Ils sont en mouvement parce qu’ils doivent être en mouvement. Ils bougent parce qu’ils ne peuvent s’arrêter. Telles des bicyclettes, ils ne tiennent debout qu’en roulant. Ils semblent suivre le précepte de Lewis Caroll : « Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu’on peut pour rester au même endroit. »
« A leurs yeux, être en mouvement n’est pas une entreprise provisoire qui finira par tenir sa promesse et ainsi annuler sa propre nécessité. Etre en mouvement n’a qu’un but : rester en mouvement. »
Le changement, comme fin en soi…
Produit fini et déchet
« Le déchet est le produit fini de toute action de consommation. (…)De nos jours, c’est au tour de la partie utile d’avoir une durée de vie brève, d’être volatile et éphémère, afin de céder sa place à la nouvelle génération de produits utiles. Seuls les déchets ont tendance à être (hélas) solides et durables. « Solidité » est désormais synonyme de « déchet ». »
Cette analyse de l’action de consommation pourrait-elle aussi s’appliquer au travail, aux résultats de notre travail alors que nous vivons le renversement des valeurs attachées à la durée et l’éphémère ? La valeur nouveauté trône désormais au-dessus de celle de durabilité, sachant la réduction du laps de temps séparant le manque de l’obtention. En d’autres termes, le « time to market ».
« On connaît du changement, encore du changement, toujours du changement, mais pas de destination, pas de limite finale, pas d’anticipation d’une mission accomplie. Chaque instant porte en lui un nouveau départ et la fin : autrefois ennemis jurés, aujourd’hui frères siamois. »
Voilà de quoi nourrir votre réflexion critique du changement pour toute l’année non ? 😉
Les ingrédients ou facteurs clés pour un changement réussi
Merci à Catherine Conti de m’avoir fait connaître le diagramme synthétique de Knoster, Villa et Thousand (2000) dont je me suis librement inspirée pour en donner cette version :
Sans vision, on crée de la confusion.
Sans compétences, on engendre la peur.
Sans bénéfices au changement, on renforce la résistance.
Sans ressources, on génère de la frustration.
Sans plan d’actions structuré et suivi, on ne fait que du sur place.
A bon entendeur, salut ! 😉
Cela vous rappelle t-il certaines situations rencontrées ?
Une proposition de prise de recul sur le Manifeste agile
Qu’est-ce que le Manifeste agile ?
Tout manager se doit de connaître le Manifeste agile (2001) et pourquoi pas de le mettre en pratique 😉
Les méthodes ou cadres méthodologiques agiles ont émergé pour pallier les inconvénients des méthodes de développement de projet dites « classiques » : effet tunnel et inadéquation entre besoins utilisateurs et réponses apportées. L’agile s’inpire des principes du Lean (cf. billets sur le Lean)
Alors, ce manifeste pour le développement Agile de logiciels, que nous invite t-il à faire ?
Valoriser :
Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils
Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive
La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle
L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.
Ces 4 piliers sont précisés au travers de 12 principes :
Notre plus haute priorité est de satisfaire le client en livrant rapidement et régulièrement des fonctionnalités à grande valeur ajoutée.
Accueillez positivement les changements de besoins, même tard dans le projet. Les processus Agiles exploitent le changement pour donner un avantage compétitif au client.
Livrez fréquemment un logiciel opérationnel avec des cycles de quelques semaines à quelques mois et une préférence pour les plus courts.
Les utilisateurs ou leurs représentants et les développeurs doivent travailler ensemble quotidiennement tout au long du projet.
Réalisez les projets avec des personnes motivées. Fournissez-leur l’environnement et le soutien dont elles ont besoin et faites-leur confiance pour atteindre les objectifs fixés.
La méthode la plus simple et la plus efficace pour transmettre de l’information à l’équipe de développement et à l’intérieur de celle-ci est le dialogue en face à face.
Un logiciel opérationnel est la principale mesure d’avancement.
Les processus Agiles encouragent un rythme de développement soutenable. Ensemble, les commanditaires, les développeurs et les utilisateurs devraient être capables de maintenir indéfiniment un rythme constant.
Une attention continue à l’excellence technique et à une bonne conception renforce l’Agilité.
La simplicité – c’est-à-dire l’art de minimiser la quantité de travail inutile – est essentielle.
Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées.
À intervalles réguliers, l’équipe réfléchit aux moyens de devenir plus efficace, puis règle et modifie son
comportement en conséquence.
A prendre avec recul
Ce manifeste pensé dans le cadre du développement de logiciels a été repris dans la littérature sur le management comme une façon de faire à généraliser à toute activité. Il est donc important de se pencher un peu près sur ce manifeste.
Point essentiel concernant les 4 piliers : il ne s’agit pas d’oublier processus, documentation, suivi d’un plan ou approche contractuelle mais de privilégier les premiers éléments de chacun des piliers. Ainsi, privilégier un logiciel opérationnel à une documentation exhaustive ne veut pas dire qu’il faut supprimer toute documentation. De même, accepter avec bienveillance le changement ne veut pas dire qu’il faut bannir toute planification. Evident me direz-vous ? A voir…
Privilégier les individus et leurs interactions sur les processus et les outils : de prime abord, il semble extrêmement satisfaisant de privilégier l’humain sur l’outil. Oui mais…attention à ne pas verser dans des effets indésirables du type « La règle n’est pas la même pour tous » ou « Deux poids, deux mesures ». Tous les individus ne seraient ainsi pas égaux devant les processus et les outils, sachant que tous les individus sont égaux mais certains plus égaux que d’autres, pour paraphraser George Orwell.
Accueillir avec bienveillance le changement, même tardivement dans le projet : c’est un point qui peut être très difficile à mettre en oeuvre dans les faits. De plus, cet accueil bienveillant du changement tardif de la part de ceux qui ont à le mettre en oeuvre ne saurait être un prétexte à ne pas penser le changement et l’anticiper de la part de ceux qui le demandent (représentants des utilisateurs ou clients).
Réalisez des projets avec des personnes motivées : cette injonction me semble à la fois très ambitieuse et un peu vaine dans la mesure où les équipes projets sont le plus souvent composées en fonction des postes ou fonctions occupées par les personnes, de leurs compétences, voire de leur disponibilité mais pas en fonction de leur motivation. Vouloir constituer des équipes projets avec des personnes motivées relève d’une approche qui remet en cause l’organisation même de la structure (entreprise).
Rythme « soutenable » : je pense qu’il s’agit d’une traduction trop rapide de « sustainable ». Il s’agit d’un rythme de production viable, durable, réaliste par opposition à des objectifs de production irréalistes.
Simplicité – art de minimiser la quantité de travail inutile : on reconnaît bien là la chasse aux gaspi inspirée du Lean, pour autant la définition de « simplicité » semble fort maladroite.
Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées : une croyance, à ne pas présenter comme une vérité établie.
Et vous, quelles sont vos réactions au Manifeste agile ? N’hésitez pas à laisser vos commentaires !…
Vous n’aimez pas que la caissière ne réponde pas à votre bonjour ? Vous serez sensible au chatbot qui reste poli avec vous et reformule vos propos calmement !
La vingtième étude de l’Institut de la qualité de l’expression, présentée le 23 mars 2017 portait sur le langage des chatbots. Si le terme ne vous est pas familier, cela ne vous empêche pas d’avoir probablement déjà dialogué avec l’un de ces chat robots sur des sites tels que ceux de Blablacar, Sncf-voyages, H&M, Axa, Orange, etc.
Dialogue avec un chatbot
Les chatbots sont aujourd’hui utilisés pour vous informer, vous aiguiller, vous vendre un produit ou un service, vous assister, animer et vous divertir.
En ligne, on ne sait pas toujours si l’on est en train de dialoguer avec un robot et il arrive que l’on ne puisse identifier le moment où un humain prend le relais. Pourtant cette indication apporterait clarté pour le consommateur.
Contrairement à la vendeuse qui aura oublié vos goûts entre deux passages, le chatbot mémorisera chacune des informations que vous lui communiquerez et le deep-learning fera des prouesses pour vous conseiller au mieux !
Le langage des chatbots
L’institut de la qualité de l’expression apporte quelques précieuses recommandations :
– Le langage du chatbot doit être cohérent avec les traits de personnalité de la marque ou du site.
– L’humour doit être « rafraîchi » car il vieillit mal.
– Attention aux robots trop bavards !
– Le langage doit être revu très régulièrement.
Plus globalement, l’entreprise qui veut se doter d’un chatbot gagne à réfléhir en amont à sa stratégie plutôt que de se précipiter sur le dernier outil d’IA disponible…Pas facile quand la pression est grande…Mais les premiers partis ne seront pas nécessairement les premiers arrivés.
La capacité du chatbot à parler « comme vous », voire à parler « comme vous voulez que l’on vous parle » a un côté enfermant qui nécessite vigilence…
Si votre curiosité a été piquée par ce billet sur les chatbots, vous lirez avec intérêt Dis Siri de Nicolas Santolaria ou encore A quoi rêvent les algorithmes de Dominique Cardon.
N’hésitez pas à nous faire part de vos anecdotes d’échanges avec des chatbots ! Anecdotes énervées, tendres, admiratives ou humoristiques !
Projets complexes : adopter la stratégie du projet latéral
L’ouvrage « La stratégie du projet latéral – Comment réussir le changement quand les forces politiques et sociales doutent ou s’y opposent » propose de créer un projet dit latéral, voire plusieurs, pour pouvoir mener à terme le changement. Si le projet tel qu’envisagé initialement par le demandeur « ne passe pas » auprès des acteurs concernés, il faut le redéfinir en un ou plusieurs projets dits « latéraux » qui pourront rencontrer un écho favorable parmi les acteurs concernés parce que correspondant à leurs objectifs et apportant des solutions à leurs préoccupations.
Largement inspiré de la sociodynamique, l’ouvrage s’appuie ainsi sur les travaux de Jean-Christophe Fauvet mais aussi Eric Berne (analyse transactionnelle), Edouard de Bono (la pensée latérale, les six chapeaux), René Girard et Michel Crozier.
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« Le chemin est long du projet à la chose » (Molière, Tartuffe)
La complexité d’un projet peut être technique ou relationnelle. Ou les deux ! Par projet complexe, Olivier d’Herbemont et Bruno César entendent un projet qui présente une complexité relationnelle : opposants nombreux, peu d’alliés, mauvaise mobilisation des alliés…
Une sélection de points à retenir
Projet et problème
Les auteurs observent une tendance fâcheuse à réduire le projet à l’exposé d’un problème ou de sa « solution » alors qu’un projet devrait être l’expression d’une vision faite pour donner envie. Nombre de projets, que ce soit en entreprise ou dans le domaine public, reflètent une approche consistant à se débarrasser d’un problème sans pour autant qu’il y ait pro-jet.
Les mots-clés de la gestion de projet
Trois mots : objectif, actions, acteurs.
Le champ des acteurs
Deux conseils à l’usage des chefs de projet : ne pas se laisser imposer des acteurs par habitude et ne pas oublier que « là où l’on regarde », souvent par habitude ne recouvre pas forcément « ce qu’il faudrait explorer » pour trouver les acteurs pertinents.
Résistance au projet
Accepter que :
– un peu d’antagonisme ne nuit pas au projet !
– les meilleurs alliés ne sont pas des bénis oui-oui mais des acteurs capables de critiquer et de prendre des initiatives pour le projet !
Les dérapages comportementaux
Tout participant à un projet a déjà pu observer les dérapages comportementaux qui jalonnent la route d’un projet. Ces dérapages réduisent le champ intellectuel (mauvaise analyse, réflexion, prise de décision) et augmentent la violence. Face à ces dérapages comportementaux, le chef de projet devra veiller à comprendre ce qui se passe et assurer une présence rassurante, « aidante ».
Activité et projet
Quand on manage une activité, un service on peut parfois se dire « Je ne vais plus rien faire et vais voir si ma boutique continue à tourner » et cette approche est parfois très pertinente. Quand on pilote un projet, n’y pensez pas, ça ne marche pas ! Si le chef de projet ne fait rien, le projet ne tourne pas. D’ailleurs on ne lui demande pas de « tourner » mais d’avancer.
Réussite du projet
Les auteurs affirment que la réussite d’un projet est la somme des énergies des acteurs qui ont su s’organiser pour agir ensemble. Pour le chef de projet, il s’agit donc d’identifier les alliés du projet, les structurer et les faire agir ensemble, de concert.
Attention au clonage faussement rassurant !
Les auteurs de La stratégie du projet latéral l’expriment fort bien :
L’expérience des projets complexes nous amène à constater que moins nous connaissons les sujets au départ, meilleur sera notre travail. A l’inverse, si nous connaissons bien un domaine, nous nous retrouvons dans l’obligation de défendre une position et de croire que c’est la bonne.
Incertitude et gestion de projet
Pour gérer l’incertitude, une grille pratique : classer les événements qui relèvent de la responsabilité du chef de projet, événements prévisionnels et non prévisionnels et ceux qui ne sont pas directement issus du projet, qu’ils soient prévisionnels ou pas.
Petits changements ou grand changement ?
Entre plusieurs petits changements échelonnés dans le temps et un gros changement à un instant donné, il faut privilégier le second choix. Cinq raisons à ce choix : économie, visibilité par les acteurs, sacralisation, fonctionnement systémique et effet de cliquet.
Le projet latéral
Plus qu’une démarche, le projet latéral est un état d’esprit à garder tout au long du projet, en respectant 5 principes :
– Tenir compte de l’irrationnel (en utilisant la grille VUE – Valeurs Utilités Envies)
– Ne pas respecter impérativement le temps mais respecter la synchronisation
– Oser la rupture
– Faire écrire le projet latéral par ses alliés
– Passer de la sanction au bénéfice mérité.
Les auteurs proposent d’utiliser la démarche de médiation-révélation en 5 étapes, basée sur la stratégie des alliés, pour élaborer les projets latéraux nécessaires :
1) Identifier sur un terrain donné les hésitants et triangles d’or.
2) Faire la tournée des popotes
3) Construire un projet latéral adapté aux personnes rencontrées
4) Inviter les alliés rencontrés à se réunir pour écouter la synthèse des entretiens réalisée par le médiateur. Révéler le projet latéral.
5) Accompagner l’équipe en l’aidant à réaliser son projet latéral.
Recommencer sur un nouveau domaine…jusqu’à couvrir l’ensemble des domaines du projet.
La relation aidante doit permettre de développer la dynamique du projet latéral :
– Aider les alliés à agir
– Aider à se mettre d’accord (scénarios)
– Aider à structurer son action dans le temps
– Aider à matérialiser la situation future (chrono-budget et chrono-planning).
Les éléments cités ici ne s’appliquent pas seulement aux projets complexes mais s’avèrent utiles à tout projet de changement…même ceux ne nécessitant pas de créer un projet latéral.
« Le langage, l’entreprise et le digital », titre du dernier ouvrage de Jeanne Bordeau, fondatrice de l’Institut de la qualité de l’expression nous invite à réfléchir sur les changements de la langue de l’entreprise induits par le digital.
Un changement de paradigme
A ceux – il en reste – qui croient qu’Internet n’est qu’un changement de technologie, Jeanne Bordeau montre que l’arrivée du digital est un changement de paradigme. L’entreprise ou les marques ne peuvent plus communiquer comme avant l’avènement du numérique. Le fact-checking (vérification par les faits rendue plus facile et rapide par l’usage d’internet) impose une cohérence de langage difficile à atteindre pour les marques. Finie la langue déclarative des années 90. Le consomm’acteur veut des arguments, des preuves, des exemples. Le consomm’acteur a le pouvoir de dialoguer avec la marque, sans oublier que 82% des consommateurs prennent en compte ou au moins lisent les avis des internautes.
L’image avant le mot ? L’émotion avant tout ?
La communication digitale semble inévitablement relever de story telling, émotion, rêve, projection, mode ludique, humour…L’image y a une place prédominante même si parfois on ne sait plus trop si l’on veut désigner par là « image » (imago) ou métaphore…
Jeanne Bordeau alerte : « Amoureuse du français et militante de la qualité d’expression, je m’inquiète face à une logorrhée 3.0 insipide et désincarnée. On n’automatise pas l’échange entre les hommes. »
Les dangers de l’écriture digitale
. La dictature de l’urgence, au détriment de la fiabilité. Dans le monde du digital tout est publié sans « bon à tirer ». On peut cependant objecter à l’auteur le rôle des modérateurs.
. L’infobésité. Il est amusant de constater qu’au fil des pages du livre, le nombre de tweets à la minute augmente. 277 000 sur une page, 350 000 sur une autre. Plaisanterie mise à part, chacun ou presque subit au quotidien l’infobésité, tout en étant parfois victime du FOMO (Fear Of Missing Out).
. Le manichéisme. « Où maniera t-on la qualité, le subtil, la nuance ? » s’inquiète Jeanne Bordeau.
Ne pas perdre le nord
Dans ce tourbillon digital, il est donc essentiel de garder la tête froide, retrouver son étoile polaire et éviter d’écrire à côté de sa pensée ! Avoir le courage d’admettre que se distinguer de ses concurrents ce n’est pas être extravagant ni toujours chercher à être dans la disruption.
Les non spécialistes de la communication, dont je suis, se diront que cela semble relever du bon sens et que le digital ne fait peut-être que rendre plus visibles des travers de la communication d’entreprise qui étaient déjà présents, avant l’avènement du digital.
Et la dircom dans tout ça ?
La communication digitale crée de nombreux changements pour les métiers de la communication au sein de l’entreprise. Chacun (marketing, digital, relations clients, affaires publiques) est désormais susceptible de communiquer, la communication n’est plus l’apanage de la direction de la communication qui voit son rôle évoluer vers une nouvelle transversalité entre les différentes directions de l’entreprise.
Les mots empowerment ou capacitation, expérience, do-gooding, désilotage, data-acceleration, green branding, licorne, marketing prédictif ou mobile mindshift vous sont encore étrangers ? L’été approche alors n’oubliez pas vos devoirs de vacances sur le langage digital !