Le langage digital, un nouveau langage ?
« Le langage, l’entreprise et le digital », titre du dernier ouvrage de Jeanne Bordeau, fondatrice de l’Institut de la qualité de l’expression nous invite à réfléchir sur les changements de la langue de l’entreprise induits par le digital.
Un changement de paradigme
A ceux – il en reste – qui croient qu’Internet n’est qu’un changement de technologie, Jeanne Bordeau montre que l’arrivée du digital est un changement de paradigme. L’entreprise ou les marques ne peuvent plus communiquer comme avant l’avènement du numérique. Le fact-checking (vérification par les faits rendue plus facile et rapide par l’usage d’internet) impose une cohérence de langage difficile à atteindre pour les marques. Finie la langue déclarative des années 90. Le consomm’acteur veut des arguments, des preuves, des exemples. Le consomm’acteur a le pouvoir de dialoguer avec la marque, sans oublier que 82% des consommateurs prennent en compte ou au moins lisent les avis des internautes.
L’image avant le mot ? L’émotion avant tout ?
La communication digitale semble inévitablement relever de story telling, émotion, rêve, projection, mode ludique, humour…L’image y a une place prédominante même si parfois on ne sait plus trop si l’on veut désigner par là « image » (imago) ou métaphore…
Jeanne Bordeau alerte : « Amoureuse du français et militante de la qualité d’expression, je m’inquiète face à une logorrhée 3.0 insipide et désincarnée. On n’automatise pas l’échange entre les hommes. »
Les dangers de l’écriture digitale
. La dictature de l’urgence, au détriment de la fiabilité. Dans le monde du digital tout est publié sans « bon à tirer ». On peut cependant objecter à l’auteur le rôle des modérateurs.
. L’infobésité. Il est amusant de constater qu’au fil des pages du livre, le nombre de tweets à la minute augmente. 277 000 sur une page, 350 000 sur une autre. Plaisanterie mise à part, chacun ou presque subit au quotidien l’infobésité, tout en étant parfois victime du FOMO (Fear Of Missing Out).
. Le manichéisme. « Où maniera t-on la qualité, le subtil, la nuance ? » s’inquiète Jeanne Bordeau.
Ne pas perdre le nord
Dans ce tourbillon digital, il est donc essentiel de garder la tête froide, retrouver son étoile polaire et éviter d’écrire à côté de sa pensée ! Avoir le courage d’admettre que se distinguer de ses concurrents ce n’est pas être extravagant ni toujours chercher à être dans la disruption.
Les non spécialistes de la communication, dont je suis, se diront que cela semble relever du bon sens et que le digital ne fait peut-être que rendre plus visibles des travers de la communication d’entreprise qui étaient déjà présents, avant l’avènement du digital.
Et la dircom dans tout ça ?
La communication digitale crée de nombreux changements pour les métiers de la communication au sein de l’entreprise. Chacun (marketing, digital, relations clients, affaires publiques) est désormais susceptible de communiquer, la communication n’est plus l’apanage de la direction de la communication qui voit son rôle évoluer vers une nouvelle transversalité entre les différentes directions de l’entreprise.
Les mots empowerment ou capacitation, expérience, do-gooding, désilotage, data-acceleration, green branding, licorne, marketing prédictif ou mobile mindshift vous sont encore étrangers ? L’été approche alors n’oubliez pas vos devoirs de vacances sur le langage digital !