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Contribuer au changement Guide des égarés en entreprise

Petit conte sur la revue de portefeuille projets

Il était une fois, dans une grande entreprise nichée au cœur d’une métropole moderne, un responsable de département DSI nommé Karim. Il orchestrait une revue de portefeuille projets qui ressemblait plus à un tunnel sans fin qu’à une réunion constructive. 40 projets à passer en revue en seulement 1h30, c’était la recette parfaite pour des bâillements discrets et des regards appuyés vers les smartphones.

Un soir, alors qu’il restait seul dans son bureau à contempler les slides de la prochaine revue, une lueur bleutée apparut soudainement. Dans un tourbillon de pixels lumineux se matérialisa la fée Néï, experte en conduite du changement.

« Je perçois ton désarroi, Karim, » dit-elle avec un sourire bienveillant. « Tes revues de portefeuille sont devenues un rituel sans âme, où l’on court après le temps sans créer de valeur. »
Karim soupira. « Comment puis-je transformer ces réunions en quelque chose d’utile ? Les participants semblent plus préoccupés par leurs mails que par les présentations des projets. »

La fée agita sa baguette magique. « La magie du changement réside dans l’art d’écouter et d’impliquer. As-tu déjà demandé à tes participants ce qu’ils pensent de ces réunions ? »

« Je… non, » admit Karim.

« Voici mes conseils, » poursuivit Néï.

  1. Prépare tes réunions comme un chef d’orchestre prépare son concert. Pose-toi les bonnes questions : est-il vraiment nécessaire de passer en revue les 40 projets à chaque fois ? Quelle est la valeur ajoutée de la présentation orale par rapport à la présentation remise aux participants ? Les participants prennent-ils le temps de parcourir les slides de synthèse avant la réunion ?… 
  2. Lance une consultation auprès de tes participants : leurs frustrations cachent des trésors d’amélioration.
  3. Teste 1 ou 2 changements à la prochaine revue. Ajuste en fonction des retours des participants. Et continue d’améliorer !

Les yeux de Karim s’illuminèrent. « Et si pour le dernier quart d’heure de la réunion, nous tirions au sort 2 ou 3 projets pour une présentation en 3 points définis à l’avance ? »

« Pourquoi pas ! » s’exclama la fée. « Une dose de hasard permet de tenir en alerte tous les potentiels intervenants ! » Dans les semaines qui suivirent, Karim mit en œuvre les conseils de la fée Néï. Il organisa un atelier pour recueillir les suggestions de chacun, remodela le format des revues, et instaura un système de rotation des projets présentés en fonction de leur actualité.

Epilogue

Six mois plus tard, les revues de portefeuille étaient devenues des moments attendus par tous. L’engagement des participants avait transformé ces réunions en véritables sessions de collaboration. Karim avait appris que la vraie magie du changement ne résidait pas dans une baguette enchantée, mais dans l’art d’écouter, d’impliquer et d’oser transformer les habitudes établies. Quant à la fée Néï, elle continuait de veiller sur les managers en quête de changement, rappelant à tous que la plus grande des magies est celle de la transformation collective.

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Billets d'humeur Contribuer au changement Guide des égarés en entreprise

« Cherchez vos phrases, votre justesse, votre noblesse. »

J’emprunte à Mohamed Mbougar Sarr le titre de ce billet d’humeur pour aborder des sujets beaucoup plus modestes que ceux traités par le dernier Prix Goncourt : usage de la parole dans les open spaces et propos de salon en réunion.

La parole est d’argent, le silence est d’or    

Dans plusieurs secteurs d’activité, le télétravail est en train de devenir une norme intériorisée.

J’entends par là que le comportement adopté en télétravail est maintenu quand on se trouve en open space.

En télétravail, les chanceux sont seuls dans leur coin travail. Inutile de faire attention au niveau sonore de leur voix, les réunions et les échanges se font au casque, devant l’écran de son ordi.

Quand la personne revient en open-space, elle garde les mêmes habitudes : les réunions ne se font plus en salle de réunion mais chacun face à son ordi.

Les conséquences sont évidentes : augmentation du niveau sonore sur l’open-space, situations cocasses où l’on se retrouve « cerné » par des personnes dont on comprend rapidement qu’elles participent à la même réunion, tout en restant chacune à leur poste sur l’open-space.    

N’oublions pas que le bruit a un impact sur notre capacité à réfléchir et génère de la fatigue inutile, parasite. Ne dit-on pas « Je ne m’entends plus penser » ?

Tout le défi de travailler en open-space est d’être un individu qui agit sans « déborder » sur ses voisins qui eux aussi travaillent….

Le silence est une civilité.

Ceux qui souhaiteraient aller plus loin sur le thème du silence, pas seulement comme absence de bruit mais présence à soi et au monde, écouteront avec intérêt le débat avec Cynthia Fleury dans le cadre de la semaine du son de l’UNESCO (2020).

Paroles et paroles et paroles…

Il paraît que c’est un travers bien français : confondre réunion de travail avec conversation de salon.

Il me semble qu’en réunion, chacun « représente » quelque chose : sa direction, son programme, son champ d’expertise. Il est donc logique de veiller à ne pas verser dans un discours trop personnel et pourtant…j’observe souvent des propos personnels (« moi je fais comme ça »…sous-entendu, pourquoi donc un client ferait-il autrement que moi ?) prendre le dessus sur une analyse factuelle, l’énoncé d’une opinion ou d’une croyance passer pour une vérité objective. Un peu d’aplomb, et hop le tour est joué ! D’autant plus aisément quand le propos provient d’un hiérarchique décisionnaire.

Et si nous utilisions quelques filtres avant de prendre la parole ?

  • Au-delà de mon envie de prendre la parole, qu’est-ce que mon propos va apporter à l’échange ? Suis-je en train d’apporter une idée, une information, un point d’interrogation ?
  • En prenant la parole, est-ce que je réponds à l’attente des participants, eu égard à mon niveau de décisionnaire ou d’expert ou de consultant ?
  • Vais-je énoncer une opinion, une croyance ou un fait ?           

Et vous, quels filtres utilisez-vous avant de prendre la parole en réunion ?

 « Le sage tourne 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler ».

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Contribuer au changement

Experts en réunion

Je reprends ici la série d’articles consacrés à la réunion entamée en 2015 et la complète d’un billet sur la communication des experts en réunion.

Dans le cadre d’un projet, de nombreuses réunions rassemblent experts et interlocuteurs du programme dont le rôle est d’obtenir de ces experts l’information utile pour :

  • comprendre des enjeux
  • étayer des prises de décisions
  • construire une communication.    

Experts en sécurité informatique, architecture fonctionnelle, droit, marketing vont devoir répondre aux questions de la direction de programme. Ce billet a pour ambition de donner quelques points de repère aux experts lorsqu’ils se trouvent devoir répondre aux questions de personnes non expertes de leur domaine.

Donner uniquement l’information utile

Une tendance fréquente chez l’expert : dire tout ce qu’il sait du sujet, montrer ainsi qu’il est vraiment un expert du sujet et pouvoir se dire qu’il a joué la transparence.

Une proposition de trajectoire : répondre à la question posée sans pour autant ajouter des informations qui ne correspondent pas au besoin exposé. Moins simple qu’il n’y paraît puisqu’il faut donner toutes les informations utiles au besoin exprimé alors que ce dernier aura pu être partiellement explicité…

Une illustration : je suis certaine que vous avez tous des souvenirs de réponses interminables d’experts pendant lesquelles vous vous inquiétiez « Mais pourquoi me raconte-t-il tout ça ? »

Utiliser les mots de l’autre

Une tendance fréquente chez l’expert : utiliser les termes exacts, le jargon des experts.

Une proposition de trajectoire : reprendre les termes utilisés dans la formulation de la question, même s’ils ne paraissent pas les plus pertinents à l’expert. Ce petit effort aura pour mérite de créer le sentiment d’avoir été entendu et de diminuer la distance avec l’interlocuteur . L’expert pourra ensuite, au cours de la formulation de sa réponse, reprendre le terme juste. Au passage, le non expert fera l’acquisition d’un terme utile à un prochain échange…

Une illustration-variation, issue d’une réunion suite à un incident informatique. Discours très « technique » d’un informaticien. Je tente d’orienter l’expert en formulant « Alors côté clients ça a eu telle et telle conséquence ? ». L’informaticien réagit « Ah ! Tu demandes les impacts fonctionnels ? ». Moi « Oui, c’est exactement ça, merci ! Quels sont les impacts fonctionnels ?». Exemple simple, très « basique », où chacun fait un bout du chemin pour se mettre sur la même longueur d’onde, ce qui a permis aux autres participants perdus par le discours technique de reprendre pied.

Faire simple

Une tendance fréquente chez l’expert : croire que l’on attend de lui qu’il montre sa science d’expert…C’est vrai d’une certaine façon, mais pas forcément celle à laquelle il pense…

Une proposition de trajectoire : « faire simple » pour se rendre le plus accessible possible. Comme le danseur qui interprète une variation très difficile en donnant l’apparence de la facilité…On se doute bien que ce qu’il est en train de faire est très difficile mais on l’oublie et admire son aisance rassurante.