Une réunion en visio, par une matinée ensoleillée.
👩🏻🦰Manon, la praticienne en conduite du changement – J’aimerais bien articuler plus étroitement l’approche Agile du projet avec les actions menées en conduite du changement. Que diriez-vous d’intégrer le « change » à certains rituels agiles ?
👩🏼🦱 Inès, la scrum master – Ah c’est original ! Tu as des exemples en tête ?
🧔🏾♂️Lucas, le Product Owner – Oui…Comment pouvons-nous concrètement appliquer cela dans notre sprint planning ou nos rétrospectives ?
👩🏻🦰Manon – Voici quelques idées !
Lors du sprint planning, à l’objectif du sprint, nous pourrions ajouter un objectif relevant de la conduite du changement.
Lors des rétrospectives, on ne traiterait pas seulement des points relevant du développement logiciel, mais on y ajouterait les aspects organisation, métier et culture, du point de vue client. Ce serait une façon de couvrir les 4 axes du modèle OMOC que l’on utilise en conduite du changement.
👩🏼🦱 Inès, la scrum master – ça rapprocherait efficacement l’équipe de développement et ceux qui bossent sur le « change ». Cela pourrait vraiment améliorer la communication et l’alignement.
🧔🏾♂️Lucas – Hum…je me demande si on pourrait mettre en place une sorte de… «change backlog » ? Un backlog dédié aux actions de conduite du changement, avec des user stories spécifiques pour chaque sprint.
👩🏻🦰Manon – Et pourquoi pas ? On essaie dès le prochain sprint ? Cela nous aiderait à intégrer les actions de conduite du changement de manière plus structurée et visible.
🧔🏾♂️Lucas – Merci à toutes les deux ! Avec cette approche, on va vraiment faire la différence !
🎻Les applaudissements lors d’un concert de musique classique sont codifiés. Au 17ème siècle, Mozart s’attendait à ce que le public applaudisse pendant que son œuvre était jouée. Ce sont les romantiques qui ont mis en place l’usage de ne pas applaudir entre les mouvements d’un concerto ou d’une symphonie. Le public attend la fin de l’œuvre et que le chef d’orchestre se tourne vers lui pour laisser éclater son enthousiasme. Cependant, depuis plusieurs années, il est de plus en plus fréquent d’observer des personnes qui applaudissent entre les mouvements, sans attendre la fin de l’oeuvre. Supposons que ces personnes agissent par ignorance de l’usage plutôt que par volonté d’innovation disruptive.
🎹 Ici, pas de changement planifié, dans une approche descendante, mais un changement à l’œuvre, venant d’une partie des « utilisateurs ». Ces personnes n’ont d’ailleurs probablement pas la volonté de mettre en place un nouvel usage, elles souhaitent juste agir spontanément, dans l’immédiateté de leur émotion.
🥁Comment les résistances au changement s’organisent-elles ?
Regard réprobateur ou « chhhuuuuttt » des spectateurs (les pairs)…semble peu efficace pour maintenir l’usage actuel.
Intervention du chef d’orchestre (le représentant de l’autorité). En 2010, le chef Claudio Abbado, à la fin de la 9ème symphonie de Mahler avait levé la main, dos au public, pour faire comprendre qu’il ne souhaitait pas que les applaudissements se déclenchent. Le silence dura 2 minutes. Cela serait-il encore possible en 2024 ?
Dans certains pays, les programmes (les media) mentionnent désormais de ne pas applaudir entre les mouvements.
Certaines salles pourraient faire une annonce sonore (les media) avant le début du concert.
Les résistances au changement sont souvent perçues comme négatives dans le monde du travail. Dans cet exemple sur les concerts classiques, on voit que ceux qui résistent pour le maintien de l’usage actuel n’ont pas forcément tort.
🎼Quel usage va l’emporter ? Les personnes respectueuses de l’usage actuel vont-elles se mettre à applaudir entre les mouvements et rallier ainsi la minorité à l’origine du changement ?
Le renouvellement du public va-t-il faire progressivement son œuvre, au fil des ans ?
Si dans 30 ans, l’usage est d’applaudir entre les mouvements, une minorité souhaitera-t-elle revenir au silence ? Quels moyens d’agir pourra-t-elle alors utiliser ? Tous les changements ne disposent pas des mêmes leviers d’action. A suivre…
🎺Le compositeur romantique Robert Schumann déclarait en 1835 : « Pendant des années j’ai rêvé d’organiser des concerts pour les sourds-muets, comme ça nous pourrions apprendre d’eux à bien se comporter pendant les concerts, surtout quand la musique est très belle ».
Cet exemple dans l’univers de la musique classique vous a-t-il fait penser à des changements observés dans le monde du travail ?
S’il ne vous arrive jamais de recevoir des messages que vous percevez comme violents ou si vous êtes constamment satisfaits de votre communication vis-à-vis de vos collègues, vos amis ou votre famille vous pouvez arrêter votre lecture ici. Cet article n’est pas pour vous ! 😉
Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)
Pour tenter de terminer cette année en beauté je vous propose de découvrir ou partager mon enthousiasme pour la communication non violente, telle que conçue dans les années 60 par Marshall B. Rosenberg, psychologue américain, décédé en 2015.
Le livre « Les mots sont des fenêtres » – Initiation à la Communication Non Violente – m’a permis de prendre conscience de ma propre violence dans ma communication, de mettre une grille d’analyse sur ce que je percevais comme violence dans la communication des autres à mon égard et enfin m’a donné les clés pour sortir d’un mode de communication qui peut très vite conduire à des blocages, des irritations, des conflits…
Le principe de la communication non violente est remarquablement expliqué dans le livre « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) ». Le principe est simple à énoncer mais bigrement difficile à mettre réellement en oeuvre, tant notre éducation et notre façon de communiquer sont fondamentalement différents de la communication non violente.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’un processus en 4 étapes :
– observation. J’observe un comportement qui affecte mon bien-être.
– sentiments. Je réagis à ce comportement par un sentiment.
– besoins. Je cerne les désirs, besoins ou valeurs qui sont à l’origine de ce sentiment.
– demande. Je demande à l’aurtre des actions concrètes qui contribueront à mon bien-être.
Processus qui s’applique quand je parle mais aussi quand l’autre parle. En CNV, il s’agit d’identifier derrière les propos de l’autre, aussi agressifs soient-ils, ses besoins et sa demande.
Exemples, tiré du livre de Marshall Rosenberg :
Dire « Tu travailles trop » n’est pas l’expression d’une observation mais d’une évaluation, d’un jugement. L’observation aurait pu être « Tu travailles plus de 60 heures par semaine. »
Dire « Je sens que j’ai envie de te taper dessus » n’est pas l’expression d’un sentiment mais de ce que l’on a envie de faire. L’expression du sentiment aurait pu être « Je suis furieux contre toi ».
Dire « Je suis mécontent quand tu es en retard » n’est pas l’expression du besoin à l’origine du sentiment. Le besoin aurait pu s’exprimer sous la forme « Je suis contrarié que tu arrives en retard car j’espérais que nous pourrions choisir les meilleures places. »
Dire « Je voudrais que tu sois sincère avec moi, au sujet de la réunion d’hier » n’est pas l’expression d’une demande. La demande aurait pu se formuler ainsi : « J’aimerais connaître tes sentiments à propos de ce que j’ai fait, et savoir ce que tu aimerais que je fasse différemment. »
Le principe de la CNV
J’exprime avec honnêteté comment je me sens, sans formuler de reproches ni de critiques. Je demande clairement ce qui pourrait embellir/enrichir ma vie sans que cela soit une exigence.
J’écoute avec empathie comment mon interlocuteur se sent, sans entendre de reproches ni de critiques. Je reçois avec empathie ce qui pourrait embellir/enrichir sa vie sans entendre une exigence.
Vous êtes prévenus : principe simple à énoncer, mise en pratique pas facile !
Au lieu d’observer, nous avons tendance à évaluer (l’autre ou soi-même). Notre interlocuteur risque alors d’entendre une critique.
Au lieu d’exprimer nos sentiments, nous nous lançons dans des interprétations mentales.
Au lieu de demander, nous avons tendance à exiger.
Pourquoi vouloir pratiquer la CNV ?
Parce que la communication que vous pratiquez actuellement ne produit pas que des résultats fantastiques.
Parce qu’il y a 4 façons d’accueillir un message négatif :
1. se sentir fautif
2. rejeter la faute sur l’autre
3. percevoir nos sentiments et besoins
4. chercher à percevoir les sentiments et besoins de l’autre.
Parce que même si votre pratique de la CNV n’est pas parfaite ce sera toujours mieux que votre communication « habituelle » !
La communication non violente au travail ?
En lisant le livre de Marshall Rosenberg, je m’interrogeais sur le temps très contraint et la communication à distance qui régissent souvent les échanges au travail.
Quid de la CNV par mail ? Quid de la CNV quand « le temps presse » ?
En cherchant sur internet j’ai ainsi découvert un ouvrage de Françoise Keller sur la CNV au travail.
Il n’est pas improbable que je revienne prochainement vers vous avec un nouvel article sur la CNV au travail…
En ce 24 novembre 2016, Isaac Getz, auteur de L’entreprise libérée et Jean-Pierre Schmitt rendaient hommage à Hyacinthe Dubreuil dans les locaux de l’ESCP Europe à Paris.
Avant de recevoir l’invitation de Christophe Faurie à cet événement, j’avoue que Hyacinthe Dubreuil, auteur issu du courant radical français, décédé en 1971, m’était totalement inconnu. C’est donc avec une grande curiosité que j’écoutais les 3 tables rondes consacrées à ce personnage étonnant : ouvrier qui siégea plus tard au B.I.T., après un passage chez Ford à Détroit. Son parcours reflète un vrai chemin individuel, non consensuel et non exempt de sa part d’ombre pendant l’Occupation.
Loin de moi l’idée de retracer ici les minutes des 3 tables rondes qui ont rythmé l’après-midi mais plutôt l’envie de partager avec vous mes coups de coeur en découvrant une oeuvre riche, originale à travers la diversité des apports et réflexions des différents intervenants :
– Jean-Pierre Schmitt, CNAM
– Georges Trépo, HEC
– Christophe Faurie, Cabinet Faurie
– Michel Raquin, ancien directeur de l’Organisation du Crédit Lyonnais
– Jean-Michel Saussois, ESCP Europe
– Isabelle Lespinet-Moret, Université Paris I Panthéon Sorbonne
– Jean-François Naton, conseiller confédéral CGT et vice-président du CESE
– Laurent Ledoux, CEO Euractiv
– Isaac Getz, ESCP Europe
– Jean-Michel Gueguiner, ex-DG Bretagne Atelier
– Stanislas Desjonquières, PDG Biose
– Alain d’Iribarne, CNRS.
sans oublier l’animation du colloque par Jacques Gautrand.
En introduction, Jean-Pierre Schmitt synthétise l’apport de Hyacinthe Dubreuil sur :
1) le salariat : il faut passer à un dialogue plus égalitaire avec le patronat et reconnaître la production (la payer).
2) le commandement : il faut légitimer l’autorité.
3) l’organisation des entreprises : il faut la fonder sur la liberté de façon à pouvoir satisfaire les trois bases morale, intellectuelle et matérielle du bonheur en entreprise. La responsabilité conduit à la liberté. Dubreuil promeut les équipes autonomes en entreprise. Pas d’autogestion mais la commandite (en référence aux ouvriers du livre).
« Ne nous commandez pas, donnez-nous des commandes ! »
A l’heure où certains se font les chantres de la fin du salariat pendant que d’autres appellent de leurs voeux l’entreprise libérée, cette phrase sonne étrangement moderne !
Jean-François Naton rappelle les courants politiques et sociaux qui pensaient que le « nous », le collectif allait pouvoir changer le « je » pour conclure qu’aujourd’hui il observe que c’est le « je » qui va transformer le « nous ». Il complète son propos en précisant que le coût du mal travail étant estimé à 80 milliards € une prise de conscience pour mettre en place une dynamique de bienveillance s’avère indispensable…
L’entreprise libérée, dont Hyacinthe Dubreuil serait le précurseur, suppose une autonomie de chaque personne qui n’existe pas encore de façon répandue en France, où la verticalité de l’éducation puis celle de l’entreprise basée sur une hiérarchie particulièrement rigide (par rapport aux pays anglo-saxons) ne favorisent nullement des comportements « adultes ». « La France part de loin, il y a donc une soif, une aspiration profonde à cette liberté en entreprise. », affirme Isaac Getz avant d’ajouter « mais c’est encore très marginal ! ».
Productivité et bien-être, « Productivité et joie »
Isaac Getz rappelle que la démarche d’entreprise libérée n’a pas pour objectif premier la productivité mais le bien-être des personnes qui y travaillent et que l’amélioration de la productivité viendra comme résultante de ce bien-être au travail. « Plus on est engagé, moins on se fatigue ».
Jean-Pierre Schmitt rappelle à ce propos que Hyacinthe Dubreuil avait sous-titré son deuxième ouvrage « Poductivité et joie »…
Plusieurs orateurs font part de leur scepticisme quant au vocable « entreprise libérée » tout en précisant que leur critique porte uniquement sur l’étiquette, pas le contenu.
Table ronde sur Hyacinthe Dubreuil, ESCP Europe, 24/11/16
« Je pense que je vous aime »
Je n’assiste pas souvent à des débats sur des questions de management qui conduisent à des déclarations aussi enflammées. C’est pourtant ce qu’une dame, dans le public, choisit de déclarer à l’un des orateurs ! Je veux y voir une belle influence de la pensée de Hyacinthe Dubreuil transmise par les différents orateurs à un public conquis.
Issue des méthodes agiles de développement de projet informatique, l’agilité d’entreprise fait florès et envahit la Toile d’articles sur le sujet. Si vous y avez échappé ou si le sujet ne vous paraît pas si limpide que cela, vous pourrez découvrir avec intérêt les fondements de l’agilité d’entreprise parmi lesquels l’adaptation au changement, le mode collaboratif, le droit à l’erreur ou encore procéder par itérations.
On ne peut que se féliciter de cette recherche d’agilité. Cependant, au quotidien, loin des beaux principes il y a la réalité de la pratique. Sous couvert d’agilité, on fait et refait, refait et fait refaire sans souci du coût de ces itérations. Certes, faire et défaire est consubstantiel du travail en entreprise mais parfois le doute s’installe sur la légitimité de cette pratique de plus en plus courante.
L’agilité comme subterfuge ?
L’observation attentive (1) et distanciée de la pratique de ces itérations, refaits et refaits montre souvent qu’ils auraient pu être évités si le résultat avait été pensé – je dirais conçu et voulu – le chemin pour y arriver anticipé et pensé de bout en bout.
Les itérations introduites dans les méthodes agiles de conduite de projet informatique avaient pour but d’éviter les longs tunnels de développement informatique et leurs résultats ne correspondant pas toujours aux attentes des protagonistes. Aujourd’hui, les tests et itérations semblent compris par certains non seulement comme un droit à l’erreur mais aussi une autorisation à ne pas penser, ne pas anticiper et ne pas prendre en compte coûts et délais, surtout quand il s’agit de ceux des autres.
Agilité ou souplesse ne sont pas synonymes d’invertébration.
L’agilité et le droit à l’erreur ne doivent pas servir de subterfuges à une forme d’incapacité à faire bien du premier coup faute de réflexion, d’anticipation, d’organisation et de volonté.
(1) Mon observation porte sur des exemples pris dans des grandes entreprises du secteur tertiaire. Le phénomène est probablement moins marqué dans l’industrie où la réalité « matérielle » de la production viendrait vite rattraper les dérives de l’agilité. Je veux croire que pour construire un pont ou faire du pain on continue de penser, vouloir, anticiper, organiser…et qu’on veille à réussir du premier coup !
Si selon Descartes le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, il ne semble pas en être de même de l’aptitude au changement.
Plusieurs media ont récemment fait état du rapport de M. Jean-Paul Faugère, Président des jurys de l’ENA. Les journalistes ont notamment relevé les passages du rapport sur les concours 2015 faisant état :
– du goût des étudiants pour les écrans de fumée quand ils ne savent pas répondre,
– de leur tendance à se contenter de pensées et de références stéréotypées,
– de leur propension à utiliser tous les mêmes formules.
– du conformisme répétitif de certaines copies.
Le rapport indique : « Souvent soucieux de ne froisser personne, d’être politiquement correct, mal à l’aise dès qu’il s’agit d’émettre un jugement, timide face à un quelconque engagement, le candidat moyen semble chercher à passer partout”.
La lecture du rapport de l’ENA m’a également appris que l’épreuve d’économie du concours interne portait sur le thème du soutien à l’innovation et que les jurys regrettaient que beaucoup de devoirs :
– ne définissent pas le concept d’innovation et le plus souvent ne distinguent pas innovation publique et innovation privée.
– se privent d’une approche personnelle, faisant montre de recul par rapport au sujet. Le rapport rappelle que « L’ENA n’a pas vocation à recruter de simples observateurs, fussent-ils cultivés, mais des personnalités imaginatives capables de s’engager et de convaincre. »
Ces descriptions – quelque peu inquiétantes – m’ont amenée à m’interroger sur l’aptitude au changement ou les aptitudes au changement.
Une approche de l’aptitude au changement
Je m’intéresse ici plus particulièrement à l’aptitude à piloter le changement en entreprise.
Le goût de créer, d’innover
Le courage
L’envie de réfléchir, remettre en question
La maîtrise de ses peurs
L’envie de faire ensemble
L’humilité et l’ambition pour le projet de changement
L’envie de s’engager
L’art d’influencer, de convaincre
Créer une vision partagée
Accepter l’incertitude
Donner sens et cohérence
Liste à compléter ! N’hésitez pas à laisser en commentaire vos propres conclusions sur l’aptitude au changement.
L’anti-aptitude au changement
Eh bien…relisez les commentaires du rapport de M. Faugère sur les candidats à l’ENA et vous aurez une bonne idée de ce qu’il ne faut pas être quand on est en charge de piloter le changement…
Dans le cadre de la semaine de la langue française et de la francophonie, je vous propose un billet sur une histoire de changement dans l’orthographe, celle du mot nénufar/nénuphar. Une histoire de changement d’orthographe qui fait penser par certains égards à des phénomènes que l’on peut observer dans le domaine du changement en entreprise.
Chacun a récemment entendu les principaux changements apportés par les rectifications orthographiques édictées par le Conseil Supérieur de la Langue Française. Ainsi, nénuphar devient nénufar.
La plupart d’entre nous retiendra donc que nénuphar s’écrit désormais nénufar. Certains d’entre nous découvriront que nénuphar s’orthographiait nénufar jusqu’en 1935. Il s’agirait de rectifier une erreur datant de 1935…
L’histoire détaillée et mouvementée de l’orthographe du mot nénufar/nénuphar, de 1694 à 2016 est narrée dans un très intéressant billet de blog : Nénufar et non plus Nénuphar. Ce billet nous apprend que l’on trouve des traces de la graphie nénuphar depuis…1606 ! Les choses sont donc plus complexes que l’histoire que l’on nous conte aujourd’hui.
Il y aurait donc plusieurs versions à cette histoire de changement :
1/ La version pour Monsieur et Madame tout le monde : nouveauté ! A compter de mars 2016, nénuphar s’écrit désormais nénufar.
2/ La version pour ceux qui tendent l’oreille : ce changement de nénuphar à nénufar n’en est pas un ! Il s’agit d’un simple retour à la version précédente, celle de 1935.
3/ La version pour ceux qui questionnent et creusent : les choses ne sont pas si simples ni linéaires…mais bien intéressantes !
Faire et défaire…une histoire de changement
Cette difficulté à retracer l’histoire des changements de graphie de nénufar/nénuphar, y compris la coexistence des deux graphies m’a fait penser à un ancien collègue qui gardait toutes les versions des notes et rapports que lui demandait de rédiger sa hiérarchie. Au remaniement de la nième version, il avait l’art de ressortir la première version – sans préciser qu’il s’agissait de la première version bien sûr – et obtenait alors la validation de sa hiérarchie sur cette « nouvelle » et « dernière » version. Faire et défaire…
Le changement décidé contribue-t-il efficacement au changement poursuivi ?
Rappelons-le, dans le cas du nénufar le changement poursuivi est la simplification de l’apprentissage de la langue française. Ecrire nénufar au lieu de nénuphar (combien de fois utilise t-on le mot nénufar dans une année ?) contribue t-il efficacement à la simplification de l’apprentissage de la langue française ?….
Cela vous rappellerait-il des exemples en entreprise ? Des écarts étonnants entre changement décidé et changement ou objectif poursuivi…
Des durées des changements et des hommes
Comme moi vous avez dû être surpris du temps nécessaire à la mise en oeuvre de cette décision de simplification de l’orthographe. Les rectifications du Conseil Supérieur de la Langue Française ont été publiées au Journal Officiel du 6 décembre 1990 mais c’est seulement maintenant qu’elles entrent en phase de mise en oeuvre. Entretemps (anciennement entre-temps), les acteurs ont changé, les personnes en poste aujourd’hui ne se sentent pas nécessairement porteuses de ce changement et n’hésitent pas à se désolidariser du changement initié il y a un quart de siècle.
En décembre 1990, Maurice Druon terminait son rapport sur les rectifications orthographiques en écrivant :
Monsieur le Premier ministre, la langue
étant chose vivante, il faudra recommencer le travail,
Une marque de produits destinés notoirement aux jeunes a lancé cet été une campagne publicitaire avec comme slogan « Impose tes règles ». Inutile de citer cette marque…que vous avez sans doute déjà pu identifier.
Stupeur, tremblements et perte de sens
« Impose tes règles » : impose tes règles à qui ? Aux autres, bien sûr ! A toi-même ? Hum….Au fait, les autres ont tous le droit de t’imposer leurs règles alors ? ça marche comment au bout du compte ?…ça crée quoi ?…ça apporte quoi ?…
La prochaine fois qu’un consommateur volera un produit de la marque en question je suppose que cette dernière ne manquera pas de se féliciter que son client ait mis en pratique son exhortation à imposer ses propres règles. Non ? Ah bon…
Je me suis demandée ce qui avait bien pu passer par les têtes des publicitaires, hommes et femmes marketing de l’entreprise en question pour en arriver au choix de ce slogan…Une telle campagne publicitaire ne peut qu’avoir été validée par la Direction Générale de la marque…Aurait-elle oublié ce qu’est une règle, à quoi elle sert et comment on l’utilise ?
Bien évidemment, si chacun impose sa règle, autant dire qu’il n’y a plus de règle mais seulement le fait du prince à la portée de tous.
La règle tout au long du projet
Le thème de ce blog étant le changement en entreprise, je centrerai le billet de cette semaine sur l’utilisation de la règle ou des règles tout au long du projet de changement, par le responsable de projet.
Quelques évidences, bonnes à rappeler :
expliciter les règles
Des règles de fonctionnement des réunions aux règles de validation de chaque étape du projet en passant par les règles des processus, le responsable de projet a tout intérêt à expliciter aux acteurs du projet les règles utilisées. Surtout, ne pas croire que chacun connaît ces règles perçues par le chef de projet comme « évidentes ».
remettre la règle au centre comme on remet la balle au centre
Chacun connaît bien ces moments où règne le « n’importe quoi », où certains semblent oublier l’objet de leur présence en réunion, l’objectif recherché, où la fatigue, le découragement, le manque de professionnalisme l’emporte. C’est le moment pour le responsable de projet ou l’animateur de la réunion de remettre la règle au centre comme on remet la balle au centre.
faire respecter les règles
Le responsable doit savoir faire respecter les règles, tout au long du projet. Cela fait partie de la « rigueur » nécessaire à l’exercice du métier de chef de projet. Rigueur ne voulant pas dire rigidité, le responsable peut cependant choisir de ne pas respecter une règle mais cette décision devra être explicitée et prise…suivant les règles !
savoir être flexible Savoir faire respecter les règles n’exclut pas l’art d’être flexible quand l’intérêt global du projet est en jeu. Pour influencer sans lien hiérarchique, le responsable de projet doit se montrer flexible.
En revanche, l’arbitraire du « Impose tes règles » ne fait pas partie du comportement à adopter par un responsable de projet !
Mettre en place une nouvelle règle
Très souvent (toujours ?), le livrable du projet suppose la mise en place de nouvelles règles ou le changement de règles.
Là encore, quelques « évidences », bonnes à rappeler :
formuler la règle (ne pas la laisser non-dite ou supposée connue) Exemple : pour disposer d’un bureau individuel, le manager doit être hiérarchique d’au moins 10 personnes
s’assurer de la compréhension univoque de la règle par tous
Exemple : le manager qui gère une équipe de 11 personnes dont 8 « internes » et 3 « externes » a t-il droit à un bureau individuel ?
anticiper la gestion de la règle dans le temps
Exemple : si le manager remplit son objectif de baisse des effectifs et réduit son équipe à 8 personnes, perdra t-il son bureau individuel ?
préciser le contrôle du respect de la règle dans le temps
Exemple : le bon respect de la règle est-il vérifié une fois par an ? tous les 3 ans ? ….jamais ?
anticiper les demandes d’exception
Exemple : le manager qui gère des dossiers particulièrement sensibles et confidentiels mais n’encadre personne en direct ne devrait-il pas disposer d’un bureau individuel ?
vérifier la faisabilité de la règle
Penser à ceux qui auront à appliquer cette règle !
réfléchir aux modalités de révision de la règle Dans un monde qui bouge, il est illusoire, voire peu professionnel de penser que la nouvelle règle est « gravée dans le marbre ». Il est donc prudent de prévoir des modalités de révision de la règle. Faute de quoi, la durée de vie de la bonne application de la règle risque de s’avérer fort courte.
Cette liste n’est bien évidemment pas exhaustive !
Et toujours, pour le responsable de projet, faire émerger, clarifier et éclairer avant de faire valider l’instauration d’une nouvelle règle en apportant une vision la plus globale possible, intégrant au mieux la dimension « temps », l’évolution dans le temps. La règle est faite pour pouvoir durer tout le temps qu’elle est nécessaire. Elle n’est pas faite pour répondre à un besoin « instantané » souvent mal analysé ni au « caprice du moment ». Faute de quoi la contre-règle succèdera trop rapidement à la règle semant doute, consternation et démotivation parmi les collaborateurs.